Biodiversité: Un débat très insuffisant
Agnès Evren , députée européenne, estime que « Tout le monde connaît aujourd’hui l’objectif de réduction de nos émissions de gaz à effet de serre, mais ceux liés à la biodiversité sont encore totalement absents du débat public. Ils sont pourtant tout aussi déterminants pour le futur de l’homme sur la Terre »(dans l’Opinion)
tribune
A l’ombre de la très attendue COP26 sur le climat, qui se tiendra à Glasgow début novembre, le premier volet de la moins connue COP15 sur la diversité biologique s’est tenu la semaine dernière en Chine en catimini. Alors qu’elle préfigure l’ambitieux accord international qui sera signé lors du second volet en mai 2022 et qui devrait être l’équivalent pour la biodiversité de l’Accord de Paris pour le climat, cet événement a été bien peu relayé. De même, le Congrès mondial de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), accueilli par Marseille en septembre, a eu peu d’écho.
Le climat tient la vedette, mais la biodiversité reste abonnée aux seconds rôles. Tout le monde connaît aujourd’hui l’objectif de réduction de nos émissions de gaz à effet de serre, mais ceux liés à la biodiversité sont encore totalement absents du débat public. Ils sont pourtant tout aussi déterminants pour le futur de l’homme sur la Terre.
Air, eau potable, nourriture, médicaments, énergie, matières premières, la nature nous est vitale. Sa dégradation menace sévèrement nos conditions de vie. D’autant que la biodiversité détient aussi une partie des réponses pour lutter contre le réchauffement climatique. Protéger les espaces naturels, c’est par exemple protéger nos puits carbones, qui captent et stockent pour nous le CO2.
L’enjeu est donc colossal. Or aujourd’hui, la biodiversité décline à un rythme sans précédent. Selon l’IPBES — le Giec de la biodiversité — un million d’espèces animales et végétales sont menacées de disparition. Cette hécatombe ne se déroule pas qu’à l’autre bout de la planète. On évoque souvent le déclin d’espèces emblématiques comme le panda roux, l’éléphant ou l’ours polaire qui, tous, vivent bien loin de nos contrées. Mais la France n’est pas épargnée, loin de là : 14 % des mammifères, 32 % des oiseaux nicheurs, 19 % des poissons et 15 % des plantes à fleurs, fougères et conifères sont menacés rien qu’en métropole. Nous n’avons plus que 150 lynx boréal et moins de 250 visons d’Europe. Nos milieux ne vont pas mieux : la Méditerranée est asphyxiée, le Var brûle, les algues s’amassent sur nos côtes, l’urbanisation débridée va bon train.
« Le gouvernement s’est contenté d’effets d’annonce quand, en coulisse, aucune mesure concrète n’était prise et qu’il saignait allègrement les troupes engagées sur la biodiversité »
Ainsi, s’il est primordial d’aller défendre l’adoption d’un cadre international ambitieux pour enrayer la perte de biodiversité au niveau mondial, et notamment l’objectif d’au moins 30% d’espaces naturels protégés d’ici à 2050, il est tout aussi nécessaire de balayer devant notre porte et d’adopter chez nous, en France et en Europe, des mesures très fortes pour mettre un coup d’arrêt franc et massif à l’érosion de nos espèces et de nos écosystèmes. Nous ne pouvons pas constamment nous placer en donneurs de leçon, comme le président de la République ne se prive jamais de le faire, si nous ne sommes pas nous-mêmes exemplaires
A l’échelle de l’Union européenne, la vitesse supérieure a été enclenchée et nous pouvons nous en féliciter. La stratégie de l’Union européenne en faveur de la biodiversité à l’horizon 2030 adoptée en juillet dernier par le Parlement européen, intensifie nos efforts dans de multiples directions : augmentation des zones protégées, restauration des milieux naturels, gestion durables des forêts, réduction raisonnée des pesticides ou encore verdissement urbain.
Mais en France, la biodiversité est la grande oubliée des politiques publiques. Si pendant son quinquennat, le président de la République a profité des événements internationaux pour vanter son action et se présenter comme le champion de la terre, son bilan en matière de biodiversité n’est pas reluisant. Le gouvernement s’est contenté d’effets d’annonce quand, en coulisse, aucune mesure concrète n’était prise et qu’il saignait allègrement les troupes engagées sur la biodiversité : Office français de la biodiversité, Office national des forêts et parcs nationaux ont tous vu fondre leurs effectifs. Et seul 0,14 % du budget de l’Etat était, en 2020, consacré à la biodiversité, selon le Conseil économique, social et environnemental.
Il est grand temps de changer de braquet. L’élection présidentielle qui arrive est l’occasion de placer dans notre débat public la biodiversité au même rang que le climat, c’est-à-dire au tout premier plan.
« Parce qu’on ne protège que ce que l’on connaît, nous accentuerons la sensibilisation à la protection de la biodiversité dans les établissements scolaires et les universités »
Chez Les Républicains, nous ne considérons pas la protection de la biodiversité comme un supplément d’âme. Parce que nous sommes profondément attachés à nos territoires, parce que nous voulons offrir aux Français des environnements sains pour vivre, et parce que la protection du vivant est inscrite dans notre ADN, nous prônons d’abord une relance durable, qui, sans tabou ni idéologie, sait s’appuyer sur la nature sans compromettre notre croissance. Nous voulons aussi accompagner les changements plutôt que de pointer du doigt les pratiques néfastes. Nous aiderons ainsi massivement nos agriculteurs pour leur conversion vers des pratiques plus respectueuses et, au-delà des aides financières, nous intensifierons la recherche sur les engrais et les pesticides naturels pour que des alternatives crédibles aux pesticides soient trouvées. Nous préconisons également de mieux aménager le territoire pour que la lutte contre l’artificialisation des sols ne soit pas synonyme de sanctions pour les territoires ruraux, mais stoppent plutôt la surdensification à outrance des villes.
Parallèlement, nous territorialiserons la protection des espaces naturels sensibles en donnant la capacité aux acteurs de terrain de labelliser ces espaces, et en sanctuarisant la taxe d’aménagement. Nous voulons également faire de la préservation des abeilles une grande cause nationale, en développant par exemple une fiscalité avantageuse pour les apiculteurs amateurs. Enfin, parce qu’on ne protège que ce que l’on connaît, nous accentuerons la sensibilisation à la protection de la biodiversité dans les établissements scolaires et les universités et nous développerons les labels pour encourager la consommation de produits vertueux.
C’est aussi le rôle d’une élection présidentielle que de mettre en lumière les problématiques de notre temps et d’en proposer les solutions. Pour peu que le souci de la biodiversité ne s’arrête pas au soir du second tour et ne rejoigne le rang des promesses électoralistes jamais tenues, la tendance peut encore être inversée.
Agnès Evren est députée européenne, conseillère de Paris, porte-parole des Républicains, et co-rapporteure de la résolution du Parlement européen concernant la COP15 sur la diversité biologique.
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