Passoires énergétiques logement : l’urgence
Jean-Marc Torrollion, président de la Fnaim, insiste sur le caractère d’urgence pour régler les questions de passoire énergétique des logements
Au gré de mes déplacements sur le terrain, de mes rencontres avec des élus, je constate à quel point le contenu de la loi Climat et résilience, ce qu’elle induit pour le parc de logements, est ignoré. Cette méconnaissance m’inquiète, car elle s’oppose à toute anticipation.
Le Parlement a voté en 2021 une interdiction de location des logements classés G au 1er janvier 2025 (et pour certains dès le 1er janvier 2023 !), et F au 1er janvier 2028. Levons un doute : il s’agit bien d’une interdiction de location quand ces notes sont obtenues lors du diagnostic de performance énergétique (DPE). Non, cela n’interrompt pas les baux en cours, mais oui, cela s’oppose à toute remise en location. Mesurons-nous ce que cela signifie ? 40 % de nos concitoyens sont locataires ! Et indépendamment des mobilités individuelles, il y aura, demain, toujours 40 % de locataires, 11,8 millions de ménages ainsi logés. Cette mesure est votée, il ne s’agit plus de s’interroger sur l’opportunité de ce calendrier, mais de poser les conditions de sa faisabilité et donc d’anticiper. Urgemment.
En premier lieu, j’invite les élus à cartographier leur patrimoine : combien de logements seront interdits à la location en 2023, combien en 2025, en 2028 sur leur territoire ? Soyons honnêtes, la loi a été votée alors que la réalité du parc était ignorée.
Le hasard du calendrier fait que nous avons changé de DPE au même moment. Ce nouveau DPE connaît des débuts compliqués puisque, pour des raisons techniques, il a commencé par faire exploser le nombre de logements F et G. Si dans toute transition, une phase de tâtonnement est logique, un raté dans de telles proportions aurait pu et dû être évité, au moment où le classement d’un bien déterminera sa capacité ou non à être loué en 2025.
Car 2025, c’est demain. Et ce sont aujourd’hui des décisions d’investissement à prendre pour les bailleurs et des votes de copropriété. Avec la « suspension » des DPE, nous avons encore perdu au moins six mois dans un calendrier déjà extrêmement court, et les logements très énergivores seront plus nombreux ! L’heure n’est donc plus à la tergiversation, elle est à l’anticipation et aux moyens.
Bien sûr, l’avenir du parc de logements passe par son renouvellement et il faut construire des logements. La crise de l’offre est réelle et nous ne pouvons que nous réjouir des annonces en faveur de la construction, issues du rapport Rebsamen. Mais ce ne peut pas être la seule réponse : nous ne pourrons pas faire l’impasse sur les rénovations de l’ensemble du parc locatif, social et privé. Il est crucial de rénover les deux parcs dans les cinq ans qui arrivent, afin de faire disparaître les logements très énergivores. C’est un objectif commun qui s’anticipe… et s’accompagne.
Deux solutions. Notre parc locatif privé repose sur des bailleurs détenant en moyenne 1,8 logement en location (64 % n’en possèdent qu’un seul). Il faut les accompagner. Bien sûr il y a MaPrimeRénov, que la Cour des comptes vient de saluer, parce qu’elle encourage la massification de la rénovation. Mais les magistrats financiers s’interrogent aussi sur les économies d’énergie financées par ce biais. Nous aussi ! L’enjeu à court terme est de financer des travaux de rénovation, mais surtout d’assurer l’efficacité des travaux effectués. C’est une urgence écologique et sociale, surtout à l’heure de l’explosion des prix de l’énergie. Ces enjeux ne peuvent pas être reportés après l’élection présidentielle !
Pour cela, deux problèmes, deux solutions. D’une part, il faut inciter les propriétaires bailleurs à faire des travaux qui permettent une sortie effective du statut de passoire énergétique : nous proposons de doubler jusqu’en 2028 le plafond du déficit foncier reportable sur les revenus globaux, un dispositif bien connu des bailleurs, dès lors qu’une part significative (40 %) du montant des travaux est composée de travaux d’économie d’énergie.
D’autre part, il faut anticiper un désinvestissement des bailleurs, en évitant qu’un trop grand nombre de biens actuellement loués ne sortent du parc locatif. L’un des risques est que les propriétaires bailleurs préfèrent vendre le bien qu’ils louent plutôt que de faire les travaux d’un bien qui, entre-temps, aura perdu de sa valeur. Notre solution : utiliser le Denormandie dans l’ancien, réduction d’impôt sur le revenu accordée aux particuliers achetant un logement à rénover s’il est mis en location. Il faut étendre ce dispositif aux F et G, pour susciter de nouvelles vocations de bailleurs.
C’est un gigantesque carambolage auquel nous assistons entre les aspirations de nos concitoyens à plus d’espace et une politique de restriction foncière et d’attrition de l’offre locative. Sans action rapide, la France du logement va se réveiller avec la gueule de bois.
Jean-Marc Torrollion est président de la Fédération nationale de l’immobilier (Fnaim), le principal syndicat des agents immobiliers.
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