Hausse des prix de l’électricité : dans la logique du marché
L’économiste Anna Créti estime, dans une tribune au « Monde », que l’augmentation des tarifs de l’électricité reflète l’évolution des fondamentaux de l’offre et de la demande en Europe.
Tribune.
Les hausses à répétition du prix de l’électricité ont créé une sorte de mystère autour du « marché européen de l’énergie ». Pourquoi un marché ouvert à la concurrence ne permet-il pas de générer des prix modérés ? Face à l’augmentation de la facture, on découvre des logiques complexes et contre-intuitives. Car l’électricité n’est pas un bien standard, en dépit de son omniprésence dans notre quotidien.
En 1996, la directive 92/CE commence le long chemin de l’ouverture à la concurrence du secteur électrique, dont l’objectif est de « garantir un marché performant offrant un accès équitable et un niveau élevé de protection des consommateurs, ainsi que des niveaux appropriés de capacité d’interconnexion et de production ». Le consommateur doit pouvoir choisir librement son fournisseur d’électricité, et les fournisseurs doivent pouvoir bénéficier d’un accès libre aux réseaux de transport et de distribution d’électricité. Les activités de production et de fourniture d’électricité doivent ainsi passer dans le domaine concurrentiel, en abandonnant les monopoles nationaux. Les activités de transport (longue distance) et de distribution (réseau local) d’électricité restent régulées. Un objectif parallèle de cette réforme est d’assurer la sécurité d’approvisionnement, c’est-à-dire de garantir que tout consommateur européen bénéficie d’une fourniture d’électricité sans black-out. Mais les textes ne mentionnent jamais un objectif de baisse de prix…
Le chemin vers la concurrence est progressif, accompagné par différentes directives et réglementations. Et il est semé d’embûches : il faut organiser un marché pour un bien qui n’est pas stockable, dont on a besoin en temps réel, qui doit traverser les frontières alors que les réseaux électriques étaient historiquement construits selon une logique nationale. Ces choix avaient privilégié des technologies très capitalistiques mais différentes : le nucléaire en France, le charbon en Allemagne, le gaz en Espagne et en Italie, l’hydroélectrique en Suède par exemple.
Dans ce parcours d’obstacles, les années 2000 ajoutent l’impératif de la décarbonation, en déclinant progressivement des objectifs de plus en plus ambitieux d’intégration des énergies renouvelables à la production d’électricité, et en imposant aux producteurs un surcoût sur leurs émissions, dans le cadre du marché européen des permis carbone.
L’architecture des marchés électriques est complexe parce qu’elle imbrique ainsi différents objectifs (libre choix des consommateurs, concurrence, sécurité de l’offre, décarbonation). Et le prix de l’électricité est censé être la pierre angulaire de cette architecture.
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