Salariés : une nouvelle typologie ?
Sophie Bernard, sociologue, lauréate du Prix du livre RH 2021 pour « Le Nouvel Esprit du salariat », identifie, dans une tribune au « Monde », trois nouvelles figures du salarié, l’« associé », le « méritant » et le « quasi-indépendant », qui témoignent de la diffusion dans les entreprises de valeurs individualistes et méritocratiques.(Le Monde)
Un discours plus proche de celui d’un syndicaliste que d’un sociologue et en plus un peu daté. La nouvelle typologie est en effet un peu plus complexe NDLR
Tribune.
Une révolution silencieuse des modes de rémunération s’opère dans le monde du travail. Elle est significative de l’avènement d’un « nouvel esprit du salariat », valorisant l’autonomie du salarié. Mais ne nous y trompons pas : cette autonomie n’est pas accordée, mais exigée des salariés, et elle mise au service de la performance de l’entreprise. Il s’agit en réalité d’une nouvelle forme de mobilisation de la main-d’œuvre, valorisant dans son discours l’avènement d’un travailleur autonome et responsable. En cela, il constitue le foyer central de diffusion de valeurs individualistes et méritocratiques qui irriguent l’ensemble de la société.
Alors que la rémunération des dirigeants du CAC 40 est repartie à la hausse en 2021, l’APEC (Association pour l’emploi des cadres) souligne que la crise sanitaire devrait en revanche s’accompagner d’une baisse de la rémunération des cadres du privé, en particulier celle des cadres commerciaux et des grandes entreprises. La chute de la part variable de leur rémunération, liée à leurs résultats ou aux performances de l’entreprise, explique notamment cette tendance. Elle témoigne d’une remontée de l’incertitude au cœur même du salariat stable, et qui n’affecte pas seulement les cadres. Car depuis les années 2000, les modes de rémunération se complexifient et se diversifient bien au-delà du salaire fixe mensuel traditionnel. Plus de 80 % des salariés reçoivent aujourd’hui des primes et des compléments de salaire liés aux résultats de l’entreprise, ou à leurs « performances » individuelles ou collectives.
Les managers, dans des secteurs d’activités très divers, usent des rémunérations variables comme d’un outil de mobilisation des salariés. En les enjoignant à « faire leur salaire », il s’agit de les responsabiliser pour obtenir leur implication en leur donnant le sentiment qu’ils ne s’inscrivent pas dans un lien de subordination vis-à-vis de l’employeur, mais qu’ils travaillent pour leur propre compte, comme des travailleurs indépendants. Les primes variables seraient justifiées au motif qu’elles permettraient d’établir entre les salariés des inégalités qu’ils peuvent considérer comme « justes », puisqu’elles sont liées à leur « mérite » individuel.
Trois formes de rémunération variable – le partage des bénéfices, les primes sur objectifs, les commissions sur les ventes – permettent d’identifier trois figures salariales émergentes : le salarié « associé », le salarié « méritant », le salarié « quasi-indépendant ». L’avantage d’une telle démarche est de donner à voir une diversité de mondes professionnels tout en dégageant la dynamique transversale qui les rattache à une même tendance. En dépit de leurs spécificités, ces modes de rémunération valorisent en effet une « autonomie » faisant porter aux salariés la responsabilité de leur rémunération tout en les convainquant que leur salaire est à la hauteur de leur travail et de leurs efforts.
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