Social-démocratie: Qu’es-tu devenue ?
Gilles Savary s ‘interroge sur la place de la sociale démocratie dans la société française. Une social-démocratie étouffée par le centralisme bureaucratique, par les démons révolutionnaires de l’extrême gauche et le mépris aristocratique des ulktra-libéraux. ( dans l’Opinion, Extrait)
La posture social-démocrate fait figure d’évidence dans la galaxie issue du PS français, qui n’a pourtant jamais voulu en franchir le Rubicon comme son homologue allemand à Bad Godesberg en 1959… Sans doute faut-il faire la part de la commodité qu’elle offre à certains de se prémunir de la disgrâce électorale du PS, sans tout à fait le renier. Mais au-delà de l’étiquette, qu’y a-t-il dans le flacon ?
Cette efflorescence social-démocrate intervient à un moment ou l’écosystème politique français, caractérisé par un recul et une balkanisation de la gauche, ainsi que par l’affirmation d’un leadership écologique, n’est pas spécialement favorable à son enracinement politique. Et si la social-démocratie redresse la tête dans les urnes de plusieurs pays d’Europe, à commencer par l’Allemagne, la distinction de classe entre ouvriers et patronat patriarcal, sur laquelle s’est fondée sa doctrine, ne suffit plus à une lecture de la complexité sociale et des enjeux politiques majeurs d’aujourd’hui.
«Elle incarne encore en Europe une gauche de gouvernement expérimentée, rassurante, ouverte et raisonnable»
. Elle est aussi victime du succès de ses luttes sociales et de ses combats politiques, qui ont porté nos sociétés européennes à des degrés de protection sociale sans équivalent, désormais banalisés et jugés, à tort ou à raison, accomplis et irréversibles. A une époque où les passions idéologiques du XXe siècle n’habitent plus les jeunes générations, la social-démocratie incarne encore en Europe une gauche de gouvernement expérimentée, rassurante, ouverte et raisonnable.
Sauf à considérer de façon très hasardeuse que le « ni gauche, ni droite » macroniste constitue une « fin de l’histoire » politique, la sensibilité social-démocrate doit être au rendez-vous du retour des identités politiques dans notre pays. Cette époque de vaches maigres et d’éclatement idéologique de la gauche française est l’occasion pour elle de faire enfin émerger un social-réformisme français assumé et moderne et d’en refonder la doctrine et le programme, non pas à l’aune des nostalgies, postures et dénis idéologiques de la vieille gauche, mais des grands défis de notre temps.
Pour être utile au pays, cette famille social-réformiste devra non seulement se doter d’une offre politique singulière qui ne soit la contrefaçon d’aucune autre, mais aussi envisager, plutôt qu’une union de la gauche à tout prix, sa participation éventuelle à des gouvernements de « dépassement » entre républicains de gauche et de droite. S’il est une marque distinctive de la social-démocratie européenne, c’est précisément d’accepter de servir son pays dans des gouvernements de coalition quand les circonstances l’exigent.
Gilles Savary est ancien député PS de la Gironde.
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