Inflation : changement de paradigme

Inflation : changement de paradigme

 

Si les économistes peinaient à expliquer la faiblesse de l’inflation avant le Covid-19, ils ont aujourd’hui du mal à appréhender l’ensemble des mécanismes à l’œuvre dans l’actuelle hausse des prix, observe Marie Charrel, journaliste au « Monde », dans sa chronique.

 

. La plupart des individus imaginent porter des jugements raisonnables sur les choses parce qu’ils sont convaincus d’être en prise avec la réalité – mais bien souvent, ils ne le sont pas vraiment. Tel est l’un des constats dressés dans Noise : pourquoi nous faisons des erreurs de jugement et comment les éviter (Odile Jacob, 464 p., 27,90 €), le nouvel essai publié par Daniel Kahneman, Olivier Sibony et Cass R. Sunstein, trois spécialistes des sciences comportementales.

Cette observation peut s’appliquer, dans une certaine mesure, à la macroéconomie et notamment au débat du moment sur l’inflation. Sommes-nous sur le point de connaître une douloureuse flambée généralisée des prix, comme le redoutent certains analystes ? La hausse des tarifs de l’énergie et de certaines matières premières est-elle temporaire, comme l’affirment d’autres ? Surtout : disposons-nous vraiment des bons outils – la prise avec la réalité – pour le mesurer ?

 

« Nous ignorons si nous vivons le début d’une nouvelle ère d’inflation, résume Adam Tooze, professeur d’histoire économique à l’université Columbia, dans un récent article. Ce qui est sûr, c’est que nous assistons à un grand débat sur l’inflation. » Observer les observateurs : voilà un habile pas de côté opéré par Adam Tooze, riche d’enseignements. « L’incertitude alimente une réelle anxiété chez les décideurs et au sein du public, ajoute-t-il. Cela conduit-il à une crise d’autorité de l’économie ? »

Sans aller jusque-là, la peur du spectre inflationniste, rappelant le scénario des deux chocs pétroliers des années 1970, fait son grand retour médiatique. Elle a ranimé la question du pouvoir d’achat sur la scène politique, qui pourrait être l’un des enjeux de la présidentielle française. Elle contraint les banquiers centraux à répéter en chœur, pour tempérer les inquiétudes, que le phénomène est transitoire. Tout en admettant que « plusieurs sources d’incertitudes pourraient entraîner des pressions inflationnistes plus persistantes », selon les propos tenus par Isabel Schnabel, membre du directoire de la Banque centrale européenne (BCE), le 8 octobre.

« Nihilisme intellectuel »

Pourquoi un tel brouillard autour des prix ? Parce que le baromètre permettant de mesurer leur évolution a des ratés. Avant la pandémie, déjà, les économistes s’interrogeaient sur la nature de la faible inflation observée depuis une décennie. Les débats, vite techniques, portaient sur la « courbe de Phillips », établissant qu’il existe une relation inverse entre inflation et chômage : lorsque le nombre de demandeurs d’emploi est faible, les entreprises peinent à recruter et augmentent donc les salaires pour attirer les candidats, ce qui fait augmenter, par ricochet, les prix. Mais cette relation s’est affaiblie avec l’essor de la mondialisation et le déclin du taux de syndicalisation dans les économies industrialisées.

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