Lutter contre le capitalisme de surveillance

Lutter contre le capitalisme de surveillance

 

Alors que le Printemps de l’économie débute le 12 octobre, avec pour thème « Bifurcation, l’heure des choix », l’économiste Dominique Plihon explique, dans une tribune au « Monde », qu’il est possible de lutter contre le capitalisme de surveillance, en ne souscrivant pas à une vision néolibérale de la société.

 

Tribune.

 

Les technologies numériques transforment en profondeur nos sociétés. Une des évolutions les plus spectaculaires est la montée en puissance des géants du numérique, qui, en utilisant le big data et l’intelligence artificielle, prennent des positions dominantes dans les domaines majeurs de la consommation, de la culture, des médias, de la finance…

Dans les pays occidentaux et libéraux, le business model de ces oligopoles est fondé sur l’exploitation de nos données personnelles. En tant qu’utilisateurs d’Internet, nous sommes devenus les fournisseurs – souvent à notre insu – de la marchandise gratuite que sont les données comportementales exploitées par les entreprises numériques pour faire des prédictions sur nos vies.

Partant de ce constat, Shoshana Zuboff, professeure à Harvard, autrice de L’Age du capitalisme de surveillance (Zulma, 2020), nous alerte contre ce basculement vers un « capitalisme de surveillance ». Sa thèse est que, en s’appropriant nos données personnelles, les géants du numérique nous manipulent et modifient nos comportements, s’attaquent à notre libre arbitre et menacent nos libertés et notre souveraineté personnelle.

Ce capitalisme numérique menace non seulement notre démocratie mais également notre économie. Car les géants du numérique étatsuniens, les fameux Gafam (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft), écrasent aussi les entreprises et les éditeurs européens. Ces oligopoles entravent la concurrence et ralentissent l’innovation. Les médias perdent de plus en plus leurs parts de revenus publicitaires au profit de Google et de Facebook, et le journalisme de qualité est dépouillé de sa base financière.

Cette thèse du capitalisme de surveillance a le mérite de nous mettre en garde contre une menace réelle. Pour autant, décrit-elle une fatalité ? Il ne faut pas confondre le capitalisme de surveillance avec les technologies numériques qui n’en sont que l’instrument. Il est possible d’imaginer et de construire une société avec Internet sans cette logique de la surveillance.

 

Car l’utilisation et la mise en relation des données offrent également de grandes possibilités d’améliorer notre vie dans de nombreux domaines, de la santé aux loisirs en passant par l’industrie. Cependant, il est crucial de savoir comment nos données sont utilisées et qui en a le contrôle. En tant qu’utilisateurs, nous ne sommes pas complètement impuissants et la politique peut fixer les règles dont nous avons besoin – même si elle l’a fait de manière inadéquate dans le passé.

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