Sociologie: L’intérêt de l’auto-analyse ?

Sociologie: L’intérêt de l’auto-analyse ? 

 

La sociologue Anne Bory, dans une « Carte blanche » au « Monde », salue le travail de Rose-Marie Lagrave, qui a enquêté sociologiquement sur son propre parcours pour servir une compréhension fine à la fois des mondes sociaux et des époques traversés.

. De nombreux sociologues et historiens sont revenus, dans leurs écrits, sur leurs parcours personnels, tantôt pour rendre visible une trajectoire particulière éclairant les logiques sociales d’une époque, tantôt pour ne pas laisser dans l’ombre ce qui, dans un parcours de recherche, doit aux expériences passées.

Souvent, ces récits sont le fait de « transfuges de classe », passés d’un monde social populaire à un autre, celui de la bourgeoisie intellectuelle, à l’instar du classique 33 Newport Street, de Richard Hoggart, paru en 1988. Si ces démarches autobiographiques empruntent et, parfois, enrichissent les outils conceptuels des sciences sociales, elles sont presque exclusivement centrées sur la trajectoire individuelle du chercheur déclinant les multiples rencontres et interactions qui en ont façonné les contours.

Sur ce modèle, les étudiants et étudiantes en sociologie apprennent à conduire leur « auto-socioanalyse », pour faire comprendre « d’où ils et elles parlent », afin d’éviter que ce qui relève d’un rapport personnel à l’objet, qu’il soit enchanté, critique, heureux ou douloureux, n’échappe à l’objectivation scientifique ou ne l’empêche.

Il y a fort à parier que l’exercice de l’autoanalyse, et celui consistant à enquêter sociologiquement sur son entourage proche, se renouvelle profondément avec la publication, en février dernier, de Se ressaisir. Enquête autobiographique d’une transfuge de classe féministe (La Découverte, 438 pages, 22 euros), par Rose-Marie Lagrave. D’abord parce que s’il s’agit, là encore, du récit d’une transfuge de classe, c’est un récit au féminin. Là où les récits masculins oublient souvent d’interroger ce que la trajectoire retracée doit à leur genre, c’est ici une question centrale, d’autant plus cruciale dans un monde universitaire très masculin. Etre une femme dans le monde scientifique implique ainsi de déjouer préjugés et assignations, y compris en sciences sociales.

Mais au-delà de cette invitation à prendre en compte le genre dans l’analyse des trajectoires de transfuges de classe, que l’on peut étendre à la prise en compte, par exemple, de la couleur de la peau, Rose-Marie Lagrave montre que se faire la sociologue de son propre parcours, de l’enfance à la vieillesse, implique bel et bien d’enquêter sur soi-même en sociologue.

Pour comprendre son passage d’une famille très nombreuse, profondément catholique, éduquée mais pauvre, vivant dans la campagne normande, aux salles de l’Ecole des hautes études en sciences sociales, la sociologue dépouille les archives familiales et les dossiers administratifs la concernant, analyse les dossiers scolaires de sa fratrie, mais aussi de ses camarades de classe, dont la majorité n’a pas dépassé le certificat d’études. Pour comprendre son statut de boursière, elle retrouve barèmes et dossiers de demande.

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