Prix de l’énergie: Vers une nouvelle crise économique ?

Prix de l’énergie: Vers une nouvelle crise économique ?

Le  choc de la transition énergétique sera de la même ampleur que celui sur le pétrole de 1973-1974, estime l’économiste Jean Pisani-Ferry dns l’Opinion (extrait)

 

 

Face à la flambée des prix de l’énergie, « nous allons mettre, pour le gaz, pour l’électricité, en place ce que j’appellerais un bouclier tarifaire, promet le Premier ministre. C’est-à-dire que nous allons nous prémunir contre ces hausses de tarifs ». Nous sommes cette fois le 30 septembre 2021, et Jean Castex s’adresse aux Français au 20 heures de TF1.

Ah, comme le monde a changé ! Les augmentations actuelles sont de bien moindre ampleur que celles des années 1970, et devraient se calmer l’année prochaine. Les facteurs de hausse des cours sont économiques (rebond post-crise) et climatiques (sécheresses, manque de vent, ouragans…) tandis qu’en 1973, ils étaient purement géopolitiques. « Il y avait un jeu de cartellisation alors qu’aujourd’hui chaque pays joue sa carte individuelle : Russie, Arabie saoudite, Emirats, États-Unis…  », ajoute Céline Antonin, économiste à l’OFCE.

En outre, la dépendance de l’économie au pétrole dans les années 1970 était beaucoup plus importante que celle au gaz aujourd’hui. C’est d’ailleurs à ce moment-là que les pouvoirs publics ont cherché à diversifier les sources d’énergie, en allant vers le gaz et le nucléaire en France. Pour moins consommer, la taille des automobiles a été réduite, la lumière éteinte le soir dans les boutiques. « On a créé l’heure d’été, on vérifiait que la température dans les administrations ne dépassait pas 19 degrés, on a limité la vitesse sur les autoroutes à 130 km/h », raconte Jean-Marc Daniel, professeur à l’ESCP Business school.

Le contexte est aussi moins inflammable aujourd’hui qu’à l’époque où l’inflation était déjà élevée dans les pays développés. Les syndicats étaient puissants, les salaires orientés à la hausse – la France venait de signer les accords de Grenelle de mai 1968. Autre facteur d’instabilité, en 1973, « les pays ont eu pour la première fois des taux de changes flexibles avec la fin du système de Bretton Woods », rappelle Aurélien Goutsmedt, historien de l’économie.

 

Mais ne nous y trompons pas. Comme dans les années 1970, la hausse des prix de l’énergie entraîne des réactions en chaîne. La poussée des prix du gaz se propage à l’électricité, gêne la production d’engrais, de boissons gazéifiées, de poulets… Comme après les chocs pétroliers, elle met les banques centrales dans l’embarras. A la fin des années 1960 et au début des années 1970, ces dernières ont d’abord trop été accommodantes, en laissant se créer une spirale inflationniste sur les salaires, afin de préserver l’emploi. « Elles ont créé un cercle vicieux », explique Jean-Baptiste Michau, professeur à Polytechnique. Puis, en 1979, elles ont « changé de braquet et refroidi l’économie » en augmentant leurs taux et en limitant l’accès au crédit, ce qui a créé une récession et fait augmenter le chômage.

Aujourd’hui, les Etats amortissent les baisses de pouvoir d’achat au prix de creusement de déficits que les banques centrales ne pourront financer indéfiniment. L’économiste Nouriel Roubini pense que les politiques monétaires et budgétaires sont trop accommodantes et risquent de surchauffer l’économie, provoquant « une stagflation totale avec une croissance beaucoup plus faible et une inflation plus élevée », écrit-il dans Les Echos.

Enfin, durant la prochaine décennie, la transition écologique fera subir à l’économie « un choc d’offre négatif, dont l’ordre de grandeur sera proche de celui du choc pétrolier de 1973-1974 », écrit Jean Pisani-Ferry dans un article récent pour le Grand Continent. Car « la décarbonation revient fondamentalement à mettre un prix sur une ressource qui était auparavant gratuite (…). Le choc pétrolier de 1974 a entraîné la réévaluation de 19,7 milliards de barils de pétrole, passant de 3,3 à 11,60 dollars le baril. Le choc correspondant a représenté 3,6 points du PIB mondial de 1973 ». Or un prix du carbone à 75 dollars la tonne représenterait, vu nos émissions, 3,1 % du PIB mondial ; un prix de 100 dollars la tonne, 4,1 %.

La transition énergétique aura-t-elle les mêmes conséquences que le choc de 1974, à savoir « un ralentissement significatif de la croissance du PIB mondial et une forte récession dans les économies avancées (…), une lutte entre les travailleurs et les employeurs pour la répartition d’un surplus réduit, et (…) une croissance faible pendant plusieurs années » ? Jean Pisani-Ferry ne le pense pas mais reproche aux responsables politiques d’entretenir l’image d’un chemin pavé de roses. Il faut s’attendre à « des effets négatifs significatifs sur le bien-être des consommateurs, des changements dans la répartition des revenus et une pression considérable sur les finances publiques ».

 

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