Le patriotisme technologique d’Emmanuel Macron est dépassé
Jean-Baptiste Fressoz, Historien, chercheur au CNRS, critique dans le monde le patriotisme techno de Macron (extrait)
A l’issue d’un quinquennat très « Silicon Valley », « French Tech » et « start-up », on en revient aux fondamentaux du patriotisme technologique français : discours le 17 septembre devant les caméras pour célébrer les 40 ans du TGV avec, en arrière-plan, la proue du dernier modèle, flambant neuf. Le 1er septembre, Macron avait confié au magazine Challenges son panthéon technologique : « Le TGV, Ariane, le Concorde et le nucléaire. »
Voici donc les techniques « nationales » qu’il admire et auxquelles il faudrait, affirme-t-il, donner « des successeurs ». C’est à cela que doivent servir les milliards d’euros du plan de relance, et certainement pas à financer l’isolation des bâtiments ou la nécessaire mais peu spectaculaire rénovation ferroviaire.
Cet inventaire de machines de pointe, puissantes et rapides – qui paraît tout droit sorti de la scène érotique assez cocasse du dernier OSS 117 – a cela d’étrange qu’il est difficile d’y trouver une technologie qui ait rendu les Français plus prospères.
Le cas le plus évident est celui du Concorde. Si l’on accuse parfois la jalousie américaine d’avoir tué dans l’œuf « le bel oiseau franco-anglais » sous prétexte de nuisances sonores, son histoire est en fait celle d’un désastre économique annoncé. Comme l’ont montré récemment les travaux de Thomas Kelsey au King’s College de Londres, le Treasury (ministère des finances) britannique s’est opposé avec constance à ce projet sans débouché commercial.
Les gouvernements successifs persévérèrent pour diverses raisons – ne pas fâcher les Français qui tenaient la clé de leur entrée à la CEE, ne pas se mettre à dos les syndicats, ne pas froisser le patriotisme des électeurs. Et malgré la propagande pesante sur la « prouesse technologique », le Concorde fut un formidable fiasco. Du fait de sa consommation extravagante, le poids du carburant embarqué était supérieur à celui de l’appareil et égal à dix fois sa charge utile.
Les coûts d’opération étaient si élevés qu’il fallait le vendre un cinquième de son prix de production pour que British Aviation et Air France acceptent de le faire voler ; les autres compagnies s’y refusèrent. Même à 8 000 euros le billet Paris-New York, l’argent du contribuable subventionnait largement les fantasmes de vitesse de quelques fortunés.
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