Mélenchon-Zemmour: Un nationalisme partagé

Mélenchon-Zemmour: Un nationalisme partagé

 par Gilles Savary, Ancien député, dans l’Opinion (extrait)

«​ Quelque prévention ou préjugé que l’on nourrisse à l’égard de ces deux personnalités, elles ont incontestablement nourri un débat politique de haute volée »

 A s’en tenir à la réputation où les confinent leurs frasques et leurs outrances, rien n’inclinait à passer la soirée avec Jean-Luc Mélenchon et Eric Zemmour. Pourtant, un zapping intempestif sur leur débat de jeudi dernier sur BFMTV a dû en piéger plus d’un, tellement il détonnait avec les codes politiques habituels. Quelque prévention ou préjugé que l’on nourrisse à l’égard de ces deux personnalités, elles ont incontestablement nourri un débat politique de haute volée.

D’abord, parce qu’il a fendu l’armure du politiquement correct et de ses postures convenues. Ensuite, parce qu’il s’est affranchi des inhibitions idéologiques qui coupent la classe politique des ressentiments populaires. Enfin, parce qu’il a opposé deux visions d’une France déboussolée, départies des fatalismes gestionnaires pragmatiques.

L’un et l’autre se sont inscrits dans la filiation de vieux héritages politiques qui sommeillent dans le cerveau reptilien national.
D’un côté, un nationalisme messianique, nostalgique de la Révolution française, de l’autre un nationalisme ethno-culturel, habité par l’héritage chrétien. Les deux passéistes, l’un croyant encore à la mission civilisatrice universelle d’une France « créolisée » matinée de marxisme, mais largement démythifiée par son passif colonial, l’autre à celle d’une France pétainiste et illibérale, claquemurée dans une nostalgie ethnique. Les deux abhorrant les influences libérales anglo-saxonnes et européennes, sans tout à fait réaliser que nous n’avons plus ni les moyens d’un empire, ni l’autorité morale des conventionnels.

. Il ne manquait à ce débat d’idéologues, nourri de références littéraires profuses, que le regard du monde qui nous entoure, qui aurait sans doute trouvé confirmation des doutes profonds qui taraudent la France d’aujourd’hui. Mais incontestablement, il a donné à réfléchir sur les angoisses françaises, comme rarement un débat politique depuis bien longtemps. On en retiendra, en creux, qu’entre ces deux visions théologiques, il manque cruellement à nos partis de gouvernement un récit sur l’avenir de la France justifiant leurs options. Car Mélenchon comme Zemmour entonnent un petit refrain de repli et de souveraineté nationale qui est dans l’air du temps et fait peu de cas de notre incapacité à assurer seuls, dans un monde irrémédiablement compétitif, la pérennité de notre niveau de vie, de notre modèle social et de notre sécurité.

Ce n’est pas la planification, chère à Mélenchon, qui assure la résistance américaine face à la Chine et aux bouleversements de la hiérarchie mondiale, mais les Gafa issus de son libéralisme économique. Quant à Orban, modèle de Zemmour, que serait-il sans les fonds européens et la corruption dont il pourrit son pays au prix d’un musellement des contre-pouvoirs ?

L’un et l’autre épousent les illusions de la démocratie référendaire que l’Allemagne a rayée de sa Constitution pour se prémunir d’un nouveau cauchemar nazi. L’un et l’autre sont conformes à leurs caricatures : Mélenchon en romantique d’une dictature populaire et Zemmour, plus grave et plus dangereux, en anti-musulman obsessionnel, digne de l’antisémitisme d’avant-guerre. Du pain bénit pour Macron, tellement ils parasitent et fracturent à gauche et à droite, mais qui ne doit pas l’exonérer d’éclairer les Français d’un sens collectif, d’une vision d’avenir pour la France.

Gilles Savary est ancien député PS de la Gironde et délégué général de Territoires de progrès.

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