Zemmour va échouer (Jean-François Copé)
Jean-François Copé ( LR) explique pourquoi d’après Zemmour va échouer (dans le JDD, extrait )
Que pensez-vous de la « presque » candidature d’Éric Zemmour à l’élection présidentielle?
Son succès éditorial peut-il se transformer en victoire électorale? C’est la question. On peut saluer l’artiste et sa mue depuis vingt ans, mais il faut analyser le mécanisme diabolique qu’il a mis en place. À savoir une doctrine qui tourne en boucle et qui doit son succès aux reculades des responsables républicains successifs. À l’instar de Le Pen avant lui, il a grandi sur les décombres de ceux qui n’ont pas fait ce pour quoi ils avaient été élus. Zemmour a une martingale : la société française est irréconciliable et l’affrontement est inévitable. C’est le Français contre l’étranger, la grandeur du passé contre la décadence du présent, le judéo-chrétien contre le musulman. Comme tout doit s’opposer en permanence, il décrète l’interdiction du vivre ensemble.
Le « zemmourisme » est-il dangereux?
Le « zemmourisme » n’existe pas : c’est le recyclage habile des idées de l’extrême droite. Il conforte toute une partie de la population qui exprime des inquiétudes face à l’avenir. Il a créé un fonds de commerce d’abord idéologique puis politique. Zemmour écrit une contre-histoire identitaire de la France, un récit défensif. Cette démarche interdit toute approche positive car elle nie une évidence : une partie très importante des Français de confession musulmane est parfaitement intégrée, elle travaille et contribue à la prospérité du pays comme tous les autres Français.
Cette candidature peut-elle faire « pschitt »?
C’est quand même très étrange de l’entendre dire sur RTL : « Je peux faire durer l’ambiguïté tant que c’est mon intérêt », alors qu’il revendique la sincérité… Zemmour prospère dans un contexte politique idéal : Marine Le Pen connaît une authentique usure ; la droite sent qu’elle peut gagner et sa liste de prétendants ne cesse d’augmenter, oubliant qu’il n’y a qu’un seul lit pour plusieurs rêves… Du coup, Macron s’impose comme le seul refuge réel ou supposé de ceux qui refusent le populisme. J’ai une conviction profonde : Zemmour ne va pas y arriver, sa démarche échouera. Car sa rhétorique, qui repose sur une répétition lancinante de l’approche de l’apocalypse, ça marche en tant qu’éditorialiste, pas comme candidat. Une présidentielle, c’est un marathon. Il faut proposer des remèdes suffisamment crédibles pour que les Français, vieux habitués de la démocratie, soient convaincus. Quand je le vois reparler de la peine de mort, je me dis qu’il est proche de la falaise.
Ses thèses sont aussi celles d’une partie de la droite…
Il y a des points de rencontre sur l’immigration, l’islamisme radical… Mais qui ne reposent pas sur les mêmes ressorts. Le rapprochement est impossible, tout comme il est impossible avec Le Pen, car la rhétorique de Zemmour repose sur deux piliers : la France, c’était mieux avant, et elle est condamnée au grand remplacement musulman. Ça n’est pas du tout le message de la droite. Pour le diffuser, il a fait preuve d’une organisation médiatique très habile. Éditorialiste, donc « neutre », mais vrai-faux « responsable politique », débattant d’égal à égal avec de vrais élus. Il a suscité un authentique fan-club, en attente permanente de ses nouvelles punchlines. Mais pour tenir sur la durée et donner toujours plus à son public, il a dû monter en surenchère au point de se ridiculiser dans son combat absurde sur les prénoms à consonance étrangère et de se déshonorer dans sa défense de Pétain. Il est devenu le héraut de la fachosphère, comme Jean-Marie Le Pen le fut en son temps.
Mange-t-il sur les terres de la droite?
Une partie des électeurs de droite peut être séduite par le brio du polémiste. Mais il leur en faudra beaucoup plus pour voter pour lui. Car gouverner, c’est un métier, et nos électeurs ne plaisantent pas avec ça. Seule condition pour qu’ils ne se trompent pas : que la droite soit capable de réincarner sans ambiguïté le retour de l’autorité – immense faiblesse de Macron - et le progrès scientifique, économique, social, écologique.
Faut-il pactiser avec lui?
La vocation de la droite n’est pas de faire vivre des concurrents. Il n’y a pas plus mortifère que des alliances contre nature car elles donnent le sentiment aux Français que nous sommes prêts à tout pour gagner, y compris à renoncer à nos fondamentaux.
Peut-il affaiblir Marine Le Pen?
Oui, et je fais le pari que s’il est finalement candidat, il empêchera Marine Le Pen de se qualifier pour le second tour. Est-ce une chance supplémentaire pour la droite? Oui, bien sûr!
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