Russie : une percée électorale du parti communiste ?
Pour l’écrivain et ancien diplomate Vladimir Fedorovski, le parti communiste devrait tirer les marrons du feu lors des élections générales de cette fin de semaine.
Interview dans l’Opinion (extrait)
Ecrivain et ancien diplomate soviétique, Vladimir Fedorovski publie à la fin du mois Amour et inspiration aux éditions Balland, un livre dédié aux grands créateurs du XXe siècle (Picasso, Matisse, Lydia, Chagall etc.), à l’occasion de la présentation de la collection Morozov à la Fondation Louis Vuitton (22 septembre 2021-22 février 2022).
Comment voyez-vous ces élections ?
C’est un scrutin particulier. On ressent dans toute la Russie une certaine usure du pouvoir de Vladimir Poutine — qui garde néanmoins une aura en tant qu’antithèse de l’Occident — et plus encore de sa formation Russie Unie. Cette dernière, qui a mis en avant les deux ministres les plus populaires, celui de la Défense Sergueï Choïgou et celui des Affaires étrangères Sergueï Lavrov, a bien essayé de multiplier la création de mini-partis pour diluer le vote protestataire, qu’il soit de gauche ou nationaliste, et particulièrement celui en faveur du parti communiste, mais elle n’a pas réussi. Si la fraude n’est pas trop importante, on devrait donc assister, à en croire tous les sondages, à une percée du KPRF qui a réussi à créer un front de gauche. Il a notamment attiré des proches de l’opposant Alexeï Navalny comme l’ancien diplomate Nikolaï Platochkine, dont le poids est important dans l’opposition. Le philosophe italien Gramcsi disait que, pour s’imposer en politique, il fallait dominer intellectuellement. Eh, bien, je dirai que le parti communiste russe domine intellectuellement le débat électoral, dont le niveau n’est, pour le reste, pas très élevé. Il domine comme les dissidents dominaient à l’époque de l’Union soviétique.
Le parti communiste a-t-il évolué par rapport à la période soviétique ?
Il existe des nostalgiques de Staline, mais c’est une formation qui a évolué. Il y a pas mal de jeunes qui poussent derrière Guennadi Ziouganov, le très complaisant premier secrétaire du parti à l’égard de Vladimir Poutine au point de mener jusque-là une vraie-fausse opposition au Parlement aux côtés du tout aussi complaisant Vladimir Jirinovski du parti libéral-démocrate. L’apparition d’élus réellement indépendants peut être intéressante. On peut assister à une recomposition du paysage politique dans un contexte où la question de la succession de Poutine et de son régime invivable se pose. Cela ne changera sans doute pas l’équilibre du monde car les jeunes communistes sont ouvertement favorables à l’alliance avec la Chine. Ils voient l’Europe s’islamiser et c’est irréversible à leurs yeux. Pour eux, l’avenir c’est l’Asie.
Quel est le message du PC ?
Il n’a rien à voir avec celui des propagandistes de Poutine que les gens n’écoutent plus. Son message est globalement assez conservateur, contre le politiquement correct occidental, mais sur le fond il se présente comme la seule alternative à Vladimir Poutine et à son système oligarchique en dénonçant le fait que 50 personnes détiennent 40 % de la richesse de la Russie, qui compte par ailleurs 40 millions de personnes vivant sous le seuil de pauvreté. Ses slogans dénoncent « le vol » et « le mensonge » du régime actuel. C’est un parti néo-stalinien qui se présente comme le sauveur de la démocratie ! Il exige même la libération de Navalny qui, lui-même, appelle à « voter utile », notamment en faveur du parti communiste, contre les voleurs et les menteurs. Les gens exigent, aujourd’hui, des gestionnaires comme le populaire maire de Moscou, Sergueï Sobianine, qui a été efficace pendant la crise de la Covid-19. Il s’est, jusque-là, montré loyal à l’égard de Poutine, mais il commence prendre ses distances. Ce qui n’est pas sans inquiéter le régime qui va essayer de débaucher certains indépendants alors que d’autres responsables craignent le retour au premier plan du parti communiste.
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