Autoroutes :« Une privatisation indue ?
L’ancien député (PS) Jean-Paul Chanteguet et rapporteur, en 2014, de la mission d’information sur la place des autoroutes dans les infrastructures de transport, propose, dans une tribune au « Monde », que l’Etat dénonce les contrats passés avec les grands groupes, et mette en place un nouveau mode d’exploitation. (extrait)
Après la décision, en 2005, de privatiser les sociétés d’autoroutes pour une somme proche de 15 milliards d’euros, la Cour des comptes et l’Autorité de la concurrence ont publié, respectivement en juillet 2013 et en septembre 2014, des rapports dénonçant la rente dont celles-ci bénéficiaient. Pour ma part, j’ai présenté, en décembre 2014, au nom de la commission du développement durable de l’Assemblée nationale, un rapport d’information intitulé : « Autoroutes, l’heure est à la reprise en main ». La privatisation de 2006 s’est révélée lourde de conséquences.
Dès l’origine, certaines voix (François Bayrou, Jean-Pierre Raffarin) avaient opportunément dénoncé l’architecture et les mécanismes d’un système qui allait conférer aux détenteurs des concessions des avantages exorbitants en regard du droit commun, sur des durées particulièrement longues.
Force est de constater que la réalité a confirmé cet état de fait au point que notre mission d’information a pu, dès décembre 2014, souligner l’existence d’une véritable rente autoroutière relevant de monopoles privés par zones géographiques. Cette vente de nos autoroutes fut une erreur politique que ne peut dissiper la raison invoquée alors, celle du désendettement de l’Etat. Seulement 10 milliards d’euros y furent affectés (sur les 15), à comparer aux 900 milliards de la dette de l’Etat.
Le vice initial de la privatisation de 2006 réside dans le fait que les cessions se sont fondées sur les contrats de concession et des cahiers des charges insuffisamment réajustés. Ils sont donc demeurés quasi analogues à ce qu’ils étaient à l’époque où l’Etat était encore très majoritairement partie prenante au système. La privatisation a ainsi engendré un effet d’aubaine pour les grands groupes ayant accédé au contrôle des sociétés concessionnaires.
Nous l’avons constaté, la plus grande partie de nos autoroutes est régie par des dispositions défavorables à l’Etat et aux usagers. En effet, le modèle économique et financier de ces concessions aboutit à la compensation de tout investissement, soit par des hausses de péages, soit par un allongement de leur durée, et à la distribution de dividendes hors norme aux actionnaires : fin 2019, déjà plus de 32 milliards d’euros sur seulement quatorze ans.
La question de la situation des grands concessionnaires privés d’autoroutes se posait déjà en 2014. D’ailleurs, celle-ci n’avait pas échappé au ministre de l’économie, Emmanuel Macron, qui, le 4 mars 2015, déclarait devant le Sénat à ce propos qu’« il y avait des contrats très profitables et de manière déraisonnable ».
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