Afghanistan : l’exclusion sociologique des femmes

 

Afghanistan : l’exclusion sociologique des femmes

 

Le nouveau pouvoir de Kaboul vise « l’exclusion sociologique » des femmes mais aussi « l’effacement de l’identité de genre » dans l’imaginaire collectif officiel, alerte l’anthropologue, Véronique Nahoum-Grappe,  dans une tribune au « Monde » ( extrait).

 

 

 

 

 

Zarifa Ghafari, première femme afghane élue maire, expliquait le 4 septembre, dans les colonnes du Figaro Madame, que les talibans « tentent de faire disparaître l’identité des femmes, de les faire disparaître de la société. Ils les effacent même des murs en recouvrant leurs visages sur les affiches. Ils refusent qu’elles travaillent, qu’elles étudient et même qu’elles sortent ». Elle définit ce que le pouvoir taliban tente de faire aux Afghanes : les exclure de tout enseignement et de tout travail rémunéré, éliminer leur image physique distinctive partout dans l’espace public. Chassées des institutions sociales, elles doivent l’être aussi du monde du dehors et ne plus être reconnues en tant que femmes dans les rues, ni même figurées sur un mur.

Ce pouvoir vise donc une double disparition des femmes dans la société extérieure : à une exclusion sociologique effective s’ajoute une tentative d’effacement de l’identité de genre féminin dans l’imaginaire collectif officiel. Les moyens de cette double exclusion sociale sont : une drastique perte d’autonomie avec l’empêchement de la solitude « choisie », non seulement dans les rues mais aussi dans la vie, avec l’interdiction du célibat ; la disparition dans l’espace public de toute visibilité des corps et visages féminins grâce au voile intégral opaque et déshumanisant, et le confinement forcé dans la sphère privée familiale.

Pouvoir circuler librement dans l’espace public et faire face aux autres, visage découvert, deviendra impossible pour les femmes car il ne faudra plus qu’elles soient vues dans le monde commun extérieur, où pourtant on naît, on fait sa vie et où l’on meurt, où l’on travaille et où, parfois, l’on vote.

La solitude choisie est interdite aussi : il faut un gardien, un homme à côté, ce qui constitue un déni insensé de l’existence adulte des femmes. Bien sûr, comme toujours, elles vont ruser de façon géniale, elles vont retourner toutes ces entraves dans l’autre sens, mais le piège des croyances religieuses traditionnelles va aussi entraîner le consentement de bien des femmes à cette situation, notamment la nécessité du mariage pour leurs filles, afin qu’elles soient protégées.

N’oublions pas aussi la terreur de la loi islamique pour soi et les siens. Petit à petit, les Afghanes vont disparaître des secteurs-clés de production et seront écartées de tout le savoir technique et théorique que ces secteurs mettent en œuvre. Elles seront alors chassées non seulement du dehors physique mais du fonctionnement même de leur propre monde social.

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