Le Congo demande l’aide financière de la France
Trois mois après son entrée en fonction, le Premier ministre de la République du Congo, Anatole Collinet Makosso, a effectué sa première visite de travail en France, du 24 au 30 août, pour évoquer les dossiers de coopération, principalement sur le plan économique. En fin de mission, il s’est confié à l’Opinion (extrait).
Vous avez rencontré le ministre des Finances, Bruno le Maire, lors de votre passage à Paris. La France va-t-elle vous aider à traverser la crise économique ?
Nous avons demandé l’aide de la France pour faire face à notre déficit budgétaire qui s’élève à 300 milliards de francs CFA (460 millions d’euros). Le ministre Bruno le Maire nous a donné un accord de principe, qui permet déjà de provisionner ce déficit, sous réserve de la conclusion de notre accord avec le FMI.
Où en sont vos discussions avec le FMI ?
Nous discutons de la restructuration de notre dette, de la mise en place d’une allocation Covid et d’un programme d’accompagnement. Le Congo n’a pas encore été retenu comme pays bénéficiaire de l’allocation Covid. Le non octroi de cette aide met en danger la vie de nos populations. Il faut convaincre du bien-fondé de nos réformes et de la soutenabilité de notre dette pour obtenir un programme d’appui. Nous travaillons actuellement à revoir les conditions d’endettement auprès des partenaires privés.
Les traders pétroliers ont-ils accepté un réaménagement de votre dette ?
Nous sommes parvenus à obtenir un accord avec Orion et Trafigura et poursuivons les discussions avec Glencore. Le FMI nous conseille d’obtenir davantage de facilités de la part des partenaires privés. Au-delà de ces négociations, nous mettons en place un programme de relance ambitieux à travers la diversification, le développement agricole, la promotion du tourisme et la mobilisation des ressources intérieures. Ces actions doivent nous permettre de sortir de cette crise libres et non asservis. Nous réduisons aussi profondément nos charges de fonctionnement. Nous sommes passés de 4 500 milliards de francs CFA de budget annuel de l’Etat sur la période 2011-2015 à 1 500 milliards depuis 2020. Et nous venons de faire une nouvelle coupe de 7,5 % cette année. Malgré cela, nous maintenons les investissements clés dans les projets structurants dans les secteurs sociaux, la circulation des biens et des personnes, les infrastructures… Cela implique aussi d’optimiser les ressources financières, en améliorant le recouvrement des impôts et taxes pour maintenir un certain équilibre budgétaire.
Le FMI brandit régulièrement le spectre d’une dévaluation dans la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac)…
Lors du dernier sommet des dirigeants de la Cemac, le 18 août, le président Denis Sassou Nguesso a rendu un rapport sur l’évolution des réformes économiques et financières que nos Etats s’emploient à mettre en œuvre. Nos pays ont fait beaucoup d’efforts pour traverser la crise sanitaire et économique. Nous devons renforcer les mesures structurelles afin de nous mettre à l’abri de toute dévaluation. C’est la conclusion à laquelle sont parvenus nos gouvernements. Cela requiert une prise de conscience de tous nos Etats afin de repenser nos modèles basés sur les exportations. Et aussi réfléchir aux moyens d’éviter les sorties abusives de devises.
Souhaitez-vous retrouver la pleine souveraineté dans les organes de décision monétaire à l’image des pays d’Afrique de l’Ouest ?
Nos dirigeants ont mandaté un comité d’experts, lors de l’avant-dernier sommet de la Cemac, afin d’engager une réflexion sur l’évolution de la relation monétaire avec la France. Les chefs d’Etat aviseront en fonction de ses recommandations.
Quelles sont les perspectives de reprise économique ?
Nous avons connu une récession de 2 % en 2020. Nous devrions atteindre une croissance nulle en 2021 et de 2 % en 2022. Un plan national de développement est en cours d’élaboration. C’est une déclinaison du projet de société du chef de l’Etat. Outre le rétablissement des équilibres, il met le cap sur la diversification, l’essor de l’agriculture, sa mécanisation, la réduction des importations alimentaires… Cette politique doit permettre de créer de l’emploi local. L’Etat investi aussi sur ses fonds propres pour la construction d’usine de transformation dans le cadre de partenariat public-privé.
Le développement agricole est un refrain entonné depuis la fin de la guerre civile…
Nous sommes sortis de la guerre civile il y a une vingtaine d’années, en consolidant la paix. Ensuite nous avons investi massivement dans les infrastructures du port de Pointe-Noire, dans la route reliant Pointe-Noire à Brazzaville et les interconnexions régionales, notamment vers le Cameroun. Nous avons aussi mis en œuvre le programme d’électrification du territoire. Maintenant que le maillage routier est satisfaisant, nous réunissons les conditions pour commercialiser des produits agricoles dans les centres de consommation. Il faut aider les agriculteurs à s’organiser en PMI-PME, promouvoir la mécanisation, développer la transformation, la commercialisation électronique, le transport et la logistique. Nous encourageons notre jeunesse à travers la mise en place d’un incubateur agricole. Cela prend du temps. Notre population n’avait pas de culture paysanne, elle se destinait surtout à la fonction publique, réflexe hérité de la « mère patrie ».
Vous avez évoqué des intentions d’investissement de 200 millions d’euros lors de votre visite à Paris…
Cela représente les intentions d’accompagnement du Congo en mettant bout à bout tous les projets et les partenariats public-privé dans les secteurs de la pharmacie, du fonctionnement du port autonome de Brazzaville, de l’hydraulique rural, du solaire… J’ai rencontré le directeur de l’Agence française de développement, Rémy Rioux. Nous avons un portefeuille de projets de 500 milliards de francs CFA, en partie bloqué en attendant la conclusion du programme avec le FMI. Nous avons demandé une amélioration des procédures de décaissement des fonds dans le cadre du contrat de désendettement développement.
Le pont entre Kinshasa et Brazzaville va-t-il enfin voir le jour ?
Les deux Etats sont en train de ratifier la convention pour sa construction. Ce vieux projet, initié par les pères fondateurs de nos pays, permettra de transporter les marchandises par la route et le rail.
Votre pays fait face à une pénurie de carburant. Est-ce ponctuel ?
C’est une crise ponctuelle à laquelle nous allons remédier. Il y a des cargos bloqués dans les ports de départ des produits pétroliers. Pour parer à la situation, nous utilisons notre stock de souveraineté. C’est le paradoxe d’un pays qui produit 400 000 barils de pétrole par jour. Le groupe Total est un partenaire important pour l’exploration et la production, mais pas pour la transformation. Nous devons accroître notre capacité de raffinage, actuellement très faible. C’est la raison pour laquelle nous avons entamé la construction d’une nouvelle raffinerie de brut à Fouta, près de Pointe-Noire. Nous nous orientons aussi vers un mix énergétique à travers un plan de valorisation du gaz et des énergies renouvelables comme le solaire et d’hydraulique.
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