Articuler expertise et dialogue
Jugeant que les stratégies actuelles ne sont pas optimales, le politiste John Crowley, l’académicien François Gros et le consultant Pierre Winicki appellent, dans une tribune au « Monde », à miser sur l’expertise, en dialogue avec les citoyens, et à apprendre à reconnaître les erreurs passées.
Le premier défi, essentiel, est de se départir d’une vision monolithique et abstraite de la confiance pour en saisir toutes les composantes. L’hostilité et la méfiance vaccinales ne sont pas homogènes. Elles touchent des personnes, dont nombre de médecins et de soignants, qui ont subi ou ont été témoins d’effets secondaires de médicaments, ou se souviennent de scandales sanitaires retentissants. Celles-ci sont, dès lors, rétives aux prescriptions de santé, dont la vaccination. Mais d’autres se méfient de toute décision publique, de toute parole institutionnelle, que ce soit en France ou dans d’autres pays aux contextes politiques et institutionnels différents.
Cette défiance a des racines profondes et connues : incohérence entre paroles et actes, conflits d’intérêts, opacité, impunité… L’opposition au vaccin est ainsi révélatrice d’une longue méconnaissance de ce qui vaut à une autorité d’être jugée digne de confiance.
Face aux « défiants », créer les conditions pratiques de la confiance, c’est notamment ne pas minimiser, voire ne pas cacher, ses échecs ou ses erreurs. Pour parler de manière éclairée et transparente des risques et incertitudes à venir, dont les effets secondaires du vaccin avérés ou supposés sont un exemple, encore faut-il reconnaître ceux du passé. En étant objectives sur les risques, sans les minimiser ni les hystériser, les autorités de santé créeraient un sentiment d’intégrité, d’authenticité, de lisibilité témoignant du respect de la capacité de chaque individu à se faire un avis éclairé sur des décisions qui concernent tout le monde.
En appeler à l’intelligence citoyenne, surtout à l’âge des réseaux sociaux, voilà ce qui peut sembler éroder la frontière entre expertise et bon sens, entre politique et science. Au contraire, il s’agit de reconnaître la pluralité des expertises et des paroles. Laisser croire que la confiance jaillirait d’une source unique de compétence, c’est nourrir la défiance généralisée. Mettre l’expertise en dialogue avec l’échange citoyen, c’est précisément en articuler les différences.
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