«L’angélisme de la croissance verte » ?
Sous-estimant les coûts des changements à venir, nos gouvernements peinent encore à mesurer à quel point la transition écologique va bouleverser nos politiques économiques, observe Marie Charrel, journaliste au « Monde », dans sa chronique.(Extrait)
Inondations, sécheresses, incendies : cet été encore, les conséquences du dérèglement climatique ont été douloureuses. Et elles ne sont qu’un avant-goût des tragédies à venir, comme l’a rappelé le rapport du GIEC publié le 9 août. Pour stabiliser le réchauffement climatique sous les 2 °C, il nous faudra atteindre zéro émission nette de CO2 autour de 2050, préviennent les experts.
L’Union européenne, elle, s’est engagée à réduire d’au moins 55 % ses émissions d’ici à 2030 pour atteindre la neutralité climatique en 2050. Un objectif susceptible de transformer notre économie en profondeur. Seulement, voilà : « Jusqu’à présent, ces implications n’ont pas été abordées de manière systématique, relève Jean Pisani-Ferry dans une récente note pour le Peterson Institute, un centre de réflexion de Washington. Trop souvent, la transition écologique a été décrite, sinon comme un chemin semé de roses, du moins comme une entreprise plutôt bénigne. » Or, celle-ci sera brutale. Parce que nous avons trop tardé à agir. Parce que nous sous-estimons encore l’ampleur des changements individuels et collectifs à venir, tout comme leur coût.
Les réflexions sur le sujet sont trop souvent polluées par la confrontation entre deux grands camps : celui des optimistes de la croissance verte, certains que les avancées technologiques conjuguées à des investissements massifs permettront de limiter le réchauffement tout en préservant notre niveau de vie, et celui des décroissants, convaincus que la seule voie possible est de rompre avec le modèle capitaliste basé sur l’exploitation des ressources.
La plupart peinent à penser concrètement toutes les dimensions de la transition et leur articulation. « Certains équipements perdront leur valeur économique, détaille Jean Pisani-Ferry. Des usines devront fermer. Des salariés devront être réorientés vers d’autres secteurs. Les investissements devront augmenter pour réparer et reconstruire le stock de capital. » Ce qui implique de revoir l’ensemble de nos politiques macroéconomiques et de nos cadres de pensée. Parce qu’ils construisent en partie leurs projections sur l’étude des faits passés, les économistes mainstream sont un peu perdus.
Le risque de la colère sociale
Et pour cause : « La transition vers l’économie verte diffère fondamentalement des transitions socio-économiques passées, comme la révolution industrielle ou la mondialisation », souligne la Banque nationale du Danemark dans une récente étude sur le sujet. Ces dernières se sont, en effet, déroulées sur une période longue. Leur moteur était le progrès technologique, rendant obsolètes certains modes de production et entreprises – la destruction créatrice, en somme.
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