Un internet sans cookies c’est possible ?
Arnaud Monnier, directeur des partenariats chez Google France, explique qu’un Internet s’ans cookies c’est possible ( dans l’Opinion)
Qui n’a pas fait la même expérience relevée récemment par une humoriste dans un de ses spectacles : rechercher une paire de baskets sur internet, et ensuite, d’où qu’on se connecte, être poursuivi sans cesse par des offres pour ces mêmes chaussures, qu’on a entre-temps achetées dans un magasin ? Les coupables sont désignés par la comédienne : « Les cookies, ce ne sont pas des gâteaux mais des petites pastilles invisibles qui enregistrent tout ce qu’on fait sur internet. »
Cette pratique, celle des cookies tiers déposés par les sites pour suivre les internautes sur le Web, a été pendant des années le carburant du web ouvert et gratuit. Pourtant, la cause est largement entendue désormais : il y a de moins en moins d’acceptabilité sociale pour le suivi des internautes à travers le web. Alors que le règlement européen sur la protection des données (RGPD) fête ses trois ans, un sondage Euroconsumers montre que 69% des internautes pensent que leurs données personnelles sont insuffisamment protégées en ligne.
Face à ces attentes sociétales, nos équipes ont annoncé en janvier 2020 que le navigateur Chrome n’accepterait plus les cookies tiers à compter de 2022. En juin, nous avons informé le marché que l’échéance serait repoussée à fin 2023 pour donner plus de temps aux discussions publiques sur les solutions adéquates de remplacement des cookies tiers – avec les régulateurs, les éditeurs et l’industrie de la publicité. Si nous reconnaissons la nécessité de progresser à une allure raisonnable avec cette nouvelle échéance, nous réaffirmons néanmoins notre ferme conviction sur la direction à prendre.
En effet, cette décision aura un impact sur le modèle d’internet de demain et doit donc se faire de manière progressive. Un arrêt brutal comme l’ont fait d’autres plateformes pourrait déstabiliser le modèle économique de nombre d’entreprises, en particulier les petits éditeurs indépendants qui s’appuient sur des technologies disponibles sur le web comme les cookies, pour générer des revenus publicitaires finançant la gratuité de l’accès à leurs contenus. Sans alternative viable en place, cela inciterait aussi certains acteurs à s’engager dans des techniques de suivi dissimulées – telles que le fingerprinting – qui ne peuvent pas du tout être contrôlées.
L’équation, apparemment contradictoire, peut être résolue. C’est le sens de l’initiative « Privacy sandbox » qui permet à la communauté web de réfléchir à des alternatives aux cookies tiers pour les principaux cas d’usage de la sécurité et de la publicité en ligne : la proposition de publicités pertinentes, la mesure de l’efficacité des campagnes et la lutte contre la fraude.
La mise au point de ces nouveaux outils – de manière collaborative et ouverte, avec le Consortium world wide web (w3c) – est d’abord un défi technologique : elle nous invite à innover toujours plus, alors que les progrès en machine learning et les dernières techniques de modélisation et d’anonymisation sont en passe de remplacer l’identification individuelle.
C’est aussi un défi économique. Il s’agit d’une des refontes du web les plus importantes de ces vingt dernières années. Son succès dépendra de sa capacité à faire prospérer les entreprises et éditeurs en ligne.
Partage de valeurs. C’est enfin un défi en matière de réputation pour l’écosystème : pour restaurer la confiance des internautes, il faudra expliquer ce qu’apportent concrètement toutes ces avancées en termes de confidentialité, tout en rappelant le rôle majeur que la publicité joue dans la préservation et le financement d’un Internet ouvert. C’est en montrant comment chacun trouve son compte dans ce partage de valeur entre internautes, annonceurs et éditeurs, que l’industrie publicitaire numérique pourra retrouver l’adhésion du grand public.
Nous assistons à un nouveau tournant de l’innovation technologique dans le secteur de la publicité en ligne, qui n’est pas sans rappeler par son ampleur le défi de l’avènement du mobile que l’industrie a su relever il y a dix ans. Et comme pour chaque transformation majeure, il ne sera pas possible d’y arriver seuls. C’est en continuant d’innover ensemble sur des solutions « cookieless » que nous pourrons tous construire la publicité de demain : plus respectueuse de la vie privée des internautes, plus efficace pour les annonceurs et les éditeurs.
Arnaud Monnier est directeur des partenariats chez Google France.
0 Réponses à “Un internet sans cookies c’est possible ?”