Crise climatique : Une évolution des comportements
Les sociologues Chantal Aspe et Marie Jacqué analysent, dans une tribune au « Monde », la mobilisation des jeunes pour le climat, par les manifestations mais aussi par la promotion militante de modes de consommation alternatifs.
Tribune. Les mobilisations pour le climat les plus médiatisées sont sans aucun doute les manifestations de jeunes brandissant le slogan « Changeons le système, pas le climat ». Pour certains d’entre eux, cet engagement se prolonge par leur participation à des organisations militantes récemment créées, comme Alternatiba/Action non violente COP21, Youth for Climate ou Extinction Rebellion. Dans le cadre d’un programme de recherche sur les nouvelles formes d’action pour le climat, nous avons réalisé une enquête qualitative basée sur 30 entretiens semi-directifs auprès de militants parisiens et marseillais, et participé en tant qu’observatrices à leurs manifestations et actions.
Ces jeunes engagés pour le climat partagent une socialisation commune aux enjeux environnementaux. En effet, ils appartiennent à une génération d’écocitoyens sensibilisée aux enjeux climatiques par les programmes d’éducation au développement durable enseignés en milieu scolaire et portés massivement par le tissu associatif. Cet aspect, souvent sous-estimé dans la compréhension de leur mobilisation, explique leur capacité à assimiler et diffuser les analyses et alertes scientifiques.
Armés de ces nouvelles connaissances, ils se projettent dans leur futur et redonnent sens à leur engagement politique à travers la solidarité et les luttes environnementales. Pour les deux tiers d’entre eux, « l’urgence d’agir » structure leur discours. Ils militent dans des organisations « horizontales » et revendiquent des prises de paroles libres, égalitaires, sans représentants, c’est-à-dire une forme de démocratie directe. Ils réactualisent les modes d’actions contestataires et visent directement les acteurs du pouvoir économique et politique : décrochage des portraits du président Macron, occupation des sièges sociaux des multinationales, happenings, « flashmobs » devant l’Assemblée nationale ou les mairies, actions artistiques, sabotages de panneaux publicitaires, etc.
Ces mobilisations générationnelles témoignent d’un renouvellement de l’action politique. Elles viennent renforcer et relayer d’autres formes de lutte (procès climatiques, tribunes et appels des scientifiques, etc.). Leur point commun est d’interpeller l’Etat dans son rôle protecteur hérité de la période de l’« Etat-providence ». En effet, à l’instar d’autres démarches juridiques engagées par des maires (comme celui de Grande-Synthe), ces mobilisations dénoncent les liens d’intérêts entre les représentants de la puissance publique et les lobbies pollueurs ; elles condamnent l’inaction de l’Etat pour le contraindre à mettre réellement en œuvre une politique climatique.
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