Transition écologique: il temps de passer à la phase concrète
Philippe Mudry estime qu’il est en d’aller au-delà des approches macro environnementales pour passer au concret ( dans l’Opinion)
Pour illustrer l’urgence climatique, pouvait-on imaginer été plus convaincant ? Coincé sous une cloche de chaleur, l’Ouest américain n’a été plusieurs semaines qu’un vaste brasier ; et tandis que le Sud de l’Europe voyait ses forêts dévorées par les flammes, des inondations sans précédent stupéfiaient par leur ampleur l’Allemagne et le Bénélux, impuissants malgré leur richesse. Partout, l’actualité est rythmée par les événements extrêmes, révélant crûment l’impréparation des Etats comme des simples citoyens. Il ne suffit pas de couler dans le bronze de la loi européenne l’obligation de neutralité carbone d’ici 2050, et de proclamer des objectifs datés pays par pays, pour affronter efficacement le péril. Encore faut-il que la société suive. Les entreprises s’y mettent à peine ; quant aux citoyens, leur en donne-t-on les moyens ? Assurément pas !
Pour l’heure, qui sait que, comme le souligne l’économiste Jean Pisani-Ferry, « la transition écologique va être brutale, bien plus que l’on imaginait » ? Quelle publicité a-t-elle été faite du rapport Blanchard-Tirole, deux des plus éminents économistes mondiaux, sur le coût réel de la transition et ses conséquences sociales (lire notre chronique du 30 juin) ? La vérité est que, pour user de la terminologie des économistes, si les travaux macro-climatiques abondent, leurs applications « micro » manquent largement. Dès lors, chacun espère qu’il pourra s’accommoder progressivement de la contrainte climatique, à grands coups d’aides financières à une « transition verte » parée de toutes les vertus.
Or comme élus grecs ou allemands l’ont constaté douloureusement, c’est toute la politique d’aménagement territoriale, de construction et d’investissements publics qui est à revoir, de fond en comble et sans délai aucun ! Pour chaque citoyen, les choix à anticiper sont tout aussi proches, radicaux et globaux. De nombreux investissements domestiques, effectués aujourd’hui sans information suffisante, seront obsolètes demain. Quel impact du climat sur ma propriété ? Quelle chaudière acheter, et à quel horizon ? Quand changer ma voiture et avec quelles caractéristiques ? Quelles modifications envisager dans mon mode de logement ? de travail ? d’assurances ? d’épargne ? Quelles augmentations à prévoir, dont personne ne parle mais auquel chacun se doute qu’il n’échappera pas : coût des grands services publics, des taxes carbone ou autres impôts-climat ?
Gageons qu’une bonne part de la persistante sur-épargne actuelle n’a d’autre cause que l’inquiétude non exprimée des Français devant la transition à financer, dont aucun politique n’a le courage de parler sérieusement, écologistes compris. S’il veut y mettre un frein, le gouvernement serait bien inspiré d’élaborer un plan d’information massif et détaillé, une feuille de route pratique et citoyenne, relevant les étapes et les investissements à prévoir, les erreurs à ne plus commettre, et sans sous-estimer les sujets fiscaux qui fâchent. Pourquoi le haut-commissariat au Plan, dont c’est la mission après tout, ne trouverait-il pas dans une « coordination prospective » des efforts nationaux matière à un travail de fond sur le combat climatique, qui brille toujours par son absence au bilan de François Bayrou ?
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