La poudrière de l’aéroport de Kaboul
Deux explosions se sont produites à proximité de l’aéroport Hamid Karzaï de Kaboul jeudi 26 août entraînant morts et blessés. « Malheureusement, ce n’est pas vraiment une surprise », juge la grand reporter Solène Chalvon Fioriti, nommée au prix Bayeux des correspondants de guerre pour son documentaire “Afghanistan : vivre en pays taliban”. « Cet aéroport, c’est une poudrière », alerte Solène Chalvon Fioriti sur franceinfo.
Pouvait-on s’attendre à ces explosions ?
Solène Chalvon Fioriti : Ça fait trois ou quatre jours qu’il y a des suspicions qui sont relayées de la part des Américains à l’aéroport. Hier soir, l’ambassade de France a demandé à plusieurs personnes dont nous, un groupe de journalistes, de se coordonner avec les Afghans que l’on connaît, qui sont sur place, qui sont sur les listes d’évacuation, de ne surtout pas venir ce soir parce qu’on savait que, de 18h à 22h, il y aurait sans doute une attaque. Donc on avait conseillé aux gens qu’on connaît de se tenir à distance. Le point Abbey Gate qui a été attaqué, c’est un point qu’on connaît bien parce que c’est sur ce petit point en général que les soldats français demandent aux gens de se retrouver avec des signaux distinctifs, un foulard rouge, un balai dans la main, de grandes pancartes, pour les emmener à l’aéroport. Le deuxième endroit qui a été attaqué est également un point de rencontre qu’on donne à des centaines de gens depuis une semaine. Donc on est évidemment soulagés en même temps pour les visages et les gens que l’on connaît, qui ne se sont pas rendus à ces deux points de rendez-vous aujourd’hui.
Comment expliquer que ces explosions soient possibles à cet endroit ?
On connaît les talibans pour leur aspect très organisé, de sécurité. Quand vous allez chez les talibans, les check-points sont extrêmement organisés, vous êtes fouillés de la tête au pied quand vous êtes un homme. En ce moment, à l’extérieur de l’aéroport, il y a une cohue, les gens vivent dans les excréments, les coups de crosse, les coups de fouets. Ils se font dévaliser, des femmes ont été harcelées, on leur a volé toutes leurs affaires, les talibans piquent même leur téléphone. Les talibans ont été incapables de sécuriser cette zone. Donc il va quand même falloir que les talibans s’expliquent sur cette façon de sécuriser l’extérieur de l’aéroport depuis une semaine. On voit bien que ça se passe très, très mal et que même pour eux ça dégénère complètement.
Les talibans condamnent ces attentats. Selon vous, qui est derrière ces explosions ?
Ce qui a l’air de se profiler, c’est que c’est l’Etat islamique, qui reste le groupe djihadiste le plus honni par les talibans, puisqu’on ne peut pas dire ça d’Al Qaïda en Afghanistan. On avait quand même le sentiment ces derniers mois que Daech était en déliquescence. En réalité cette concentration à la fois des Afghans les plus libéraux, puisque ce sont ceux qui ont travaillé avec les étrangers, des soldats américains et des talibans évidemment, d’une certaine manière, l’occasion était trop belle. Donc la crainte de l’attentat était tout à fait justifiée et il se peut tout à fait qu’il y en ait d’autres parce qu’il y a des gens qui continuent de s’amasser autour de l’aéroport même si les talibans les dispersent. Ils sont tellement désespérés, ils ont tellement peur de mourir qu’ils nous demandent quand ils peuvent y retourner. C’est le rôle des Nations Unies de négocier avec les talibans de sorte que les gens puissent sortir par des pays limitrophes, par d’autres points d’entrée, mais cet aéroport, c’est une poudrière
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