Le social s’individualise de plus en plus

 Le social s’individualise de plus en plus

L’historien et sociologue Pierre Rosanvallon fait paraître au Seuil, le 26 août, un essai dans lequel il entend décrypter les attentes, les colères et les peurs des Français à travers l’analyse des épreuves auxquelles ils sont confrontés. « Le Monde » en publie les bonnes feuilles.

 

Bonnes feuilles. La vraie vie des Français n’est pas dans les grandes théories ou les moyennes statistiques. Les principaux mouvements sociaux de ces dernières années n’ont ainsi guère été éclairés par les travaux sur les structures globales de la société et les fractures territoriales qui avaient retenu l’attention et nourri les best-sellers de la période précédente. La vraie vie des Français n’a pas davantage été racontée par les sondages. Ceux-ci ont certes bien documenté la réorganisation des clivages politiques avec la montée en puissance des populismes et l’instauration d’un climat de défiance généralisée. Mais ils n’ont pas déchiffré la boîte noire des attentes, des colères et des peurs qui les fondaient. Cet essai propose des outils pour ouvrir et décrypter cette boîte noire. Il appréhende le pays de façon plus subjective, en partant de la perception que les Français ont de leur situation personnelle et de l’état de la société. Il se fonde pour cela sur une analyse des épreuves auxquelles ils se trouvent le plus communément confrontés.

Penser en termes d’épreuves

Cette notion d’épreuve a un double sens. Elle renvoie d’abord à l’expérience d’une souffrance, d’une difficulté de l’existence, de la confrontation à un obstacle qui ébranle au plus profond les personnes. Elle correspond aussi à une façon d’appréhender le monde, de le comprendre et de le critiquer sur un mode directement sensible, et de réagir en conséquence. Pour préciser cette approche, on peut en distinguer trois types :

– Les épreuves de l’individualité et de l’intégrité personnelle. Ce sont celles qui déshumanisent les femmes et les hommes, atteignent leur moi profond et peuvent menacer psychiquement et physiquement leur vie même. Il s’agit du harcèlement, des violences sexuelles, de l’exercice sur autrui d’une emprise, d’une manipulation, ou encore d’une mise sous pression pouvant conduire au burn out. Ce sont pour l’essentiel des pathologies de la relation individuelle qui s’exercent dans un face-à-face dévastateur. Mais elles ont aussi une dimension systémique quand elles se lient, par exemple, à la longue histoire de la domination masculine ou à certains modes d’organisation du travail. La sensibilité à ces épreuves n’a cessé de s’accroître dans une société de plus en plus attentive au droit des personnes, comme l’actualité nous l’a montré. (…)

– Les épreuves du lien social. Tout en ayant un impact individuel, elles renvoient à des hiérarchies ou à des formes de domination qui ont une dimension collective. On peut notamment distinguer là les trois épreuves du mépris, de l’injustice et de la discrimination. Il s’agit dans ces trois cas de pathologies de l’égalité, au sens où ces mises à l’épreuve soulignent les obstacles qui sont mis à la constitution d’une société de semblables. Il s’agit là aussi de situations ressenties comme intolérables dans un monde où l’attention aux singularités et à la valeur intrinsèque de chaque individu s’est imposée comme une exigence démocratique élémentaire.

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