Montebourg : la primaire pour les autres pas pour lui !

Montebourg : la primaire pour les autres pas pour lui !

L’essayiste David Desgouilles n’exclut pas que l’ancien ministre réussisse une percée s’il conjugue souveraineté économique et fermeté en matière de sécurité et d’immigration. Toutefois parmi des contradictions il y a le faite que Montebourg est l’initiateur du concept de primaire qu’il  ne veut pas s’appliquer à lui-même (interview dans le Figaro, extrait)


Arnaud Montebourg va annoncer, début septembre, sa candidature à la présidentielle. Un sondage l’a crédité de 5 % des intentions de vote. Pour autant il ne représente aucune formation politique établie. Est-ce une candidature de témoignage ?

David DESGOUILLES. - Qui peut aujourd’hui prévoir ce qui va se passer d’ici au mois d’avril 2022 ? La situation sanitaire, mais aussi internationale, rendent aléatoire toute tentative de prévision. D’autant qu’une frange toujours plus croissante des électeurs se décident lors des dernières semaines voire les derniers jours de la campagne.

Il y a cinq ans, les chances d’Emmanuel Macron, qui ne représentait lui non plus aucune formation politique établie, étaient minces selon la plupart des observateurs. Quant à Jean-Luc Mélenchon, il a bondi de 6% dans les sondages fin janvier 2017 à près de 20% dans les urnes trois mois plus tard.

Ce qui compte, c’est de parvenir à trouver un espace politique, grâce à un projet cohérent et audible, puis de créer une dynamique. Arnaud Montebourg en est-il capable ? C’est possible mais il est impossible de préciser un taux de probabilité sans manquer de sérieux.

À gauche, Anne Hidalgo, Jean-Luc Mélenchon, Fabien Roussel et les Verts se sont déjà positionnés pour 2022. Montebourg ne risque-t-il pas d’être un candidat de plus dans une présidentielle embouteillée ?

Montebourg a déjà eu l’occasion de préciser qu’il ne s’inscrivait plus dans un clivage droite-gauche. Il a fait comprendre également que cette fois, il ne passerait pas par une primaire, souhaitant s’adresser directement et immédiatement aux Français.

C’est ce qu’il a de mieux à faire car telle est le véritable esprit de l’élection présidentielle dans la Ve République. Mais je ne peux m’empêcher de sourire à ce retour aux sources gaulliennes, puisqu’il fut l’un des militants les plus zélés d’une VIe République et également l’une des chevilles ouvrières de l’importation du système des primaires en France.

 

Y a-t-il un espace politique pour le souverainisme qu’Arnaud Montebourg semble vouloir incarner ? Pourquoi ?

Je ne pense pas qu’il limite son projet à un souverainisme «de gauche». Il devrait plutôt aller vers un souverainisme plus complet. Ce souverainisme-là, qui ne souffrirait d’aucun angle mort, a sans doute un espace politique, pour peu qu’il soit décliné avec intelligence, de manière audible et compréhensible par le plus grand nombre.

Notre crise est avant tout démocratique, on le constate avec la contestation, assez soutenue par l’opinion, contre le passe sanitaire. Le sentiment de dépossession démocratique est extrêmement répandu dans le pays. La souveraineté est la clef de tout ça. Les peuples veulent «reprendre le contrôle». Celui qui convaincra les électeurs qu’ils reprendront ce contrôle grâce à lui peut emporter la décision. Plus facile à dire qu’à faire, j’en conviens…

 

On connaît les positions d’Arnaud Montebourg sur le plan économique (made in France, relocalisations, etc.), moins sur les questions de société (immigration, sécurité). Est-ce son talon d’Achille pour convaincre de larges pans de la population française?

En effet, on les connaît peu. Je ne conseillerais pas à Arnaud Montebourg d’être une forme de miroir inversé de ce qui se passe à droite sur les questions de souveraineté. Xavier Bertrand mais aussi l’ex-commissaire européen Michel Barnier, de manière surprenante, insistent aujourd’hui sur la souveraineté juridique du pays, et font des propositions en ce sens, mais seulement sur les questions d’immigration et de sécurité. C’est à mon sens insuffisant pour convaincre les classes populaires de revenir vers eux.

Le même dilemme, mais dans l’autre sens, se pose à Arnaud Montebourg : s’il délaisse ces sujets régaliens de souveraineté et ne se concentre que sur les sujets de souveraineté économique, il sera borgne lui aussi et ne convaincra pas les classes populaires, un peu comme Jean-Pierre Chevènement en 2002. En est-il conscient ? C’est possible puisqu’il semble ne pas vouloir inscrire sa campagne «à gauche». Nous en saurons sans doute davantage à partir du 4 septembre.

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