Environnement : revoir le discours
L’expert en communication Thierry Libaert estime, dans une tribune au « Monde », qu’il faut revoir le discours sur le climat. Rappeler les faits et la gravité de la catastrophe ne suffisent pas à convaincre le public de changer son comportement.(Extrait)
Tribune.
Les inondations meurtrières en Allemagne et en Belgique, les feux de forêt en Grèce et en Algérie, la publication du sixième rapport d’évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), l’accélération de la fonte des glaces en Arctique, tout cela entraîne un déferlement de commentaires. Particulièrement visibles sur les réseaux sociaux, ces déclarations se positionnent de manière toujours plus définitive autour d’une tonalité incantatoire : « Il vous en faut encore ou vous avez enfin compris ? » Chaque catastrophe apparaît alors comme l’occasion de marteler un message d’alerte enjoignant à l’action déterminée et immédiate contre le dérèglement climatique.
La communication présente la particularité assez extraordinaire d’être la seule discipline – pourtant reconnue en France comme une discipline scientifique par le Conseil national des universités en 1975 – sur laquelle chacun s’estime compétent et apte à exposer un avis pertinent. Et en matière de sensibilisation sur le dérèglement climatique, le sentiment d’urgence apparaît souvent légitimer une certaine légèreté avec les acquis de la recherche en communication.
En matière climatique, la quasi-totalité des commentaires repose sur une croyance centrale : il faut informer les individus de la réalité du dérèglement climatique et de la gravité de ses conséquences. Toutefois, sur ce point majeur, les études s’inscrivent toutes autour de la même conclusion : la connaissance d’une information ne constitue pas le déterminant principal d’une modification des comportements.
D’abord, parce que l’information a déjà été transmise. L’étude du Centre pour la recherche économique et ses applications (Cepremap) de novembre 2019 indiquait une bonne connaissance des implications du dérèglement climatique dans la population. Celui-ci était jugé grave (34 %), désastreux (28 %), voire cataclysmique (18 %), et toutes les études de l’Ademe sur les représentations sociales du changement climatique confirment que les Français ont conscience des enjeux.
Une étude menée en 2008 à l’Université catholique de Louvain avait essayé de mettre en évidence la relation entre les informations diffusées en matière de dérèglement climatique et les pratiques de consommation d’énergie. La conclusion était sans ambiguïté : cette relation n’existe pas. Françoise Bartiaux, l’autrice de l’étude, observait : « Les ménages mieux informés sur les enjeux et facteurs de changement climatique ou sur les énergies renouvelables n’agissent pas de manière plus respectueuse de l’environnement. » Aux Etats-Unis, le sociologue George Marshall, auteur de l’ouvrage Le Syndrome de l’autruche (Actes Sud, 2017), s’était aperçu que dans la frange républicaine de l’électorat, les personnes les plus climatosceptiques étaient celles qui disposaient le plus d’informations sur la réalité du dérèglement climatique.
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