Repenser la qualité des logements
il faudrait plutôt repenser la question de la qualité des logements, plaide le sociologue et urbaniste Yankel Fijalkow dans une tribune au « Monde ».(Extrait)
Tribune. La crise sanitaire et environnementale actuelle exacerbe la critique de l’urbanisation, et la promotion des territoires périphériques se porte au chevet des métropoles dites malades. Les campagnes et les petites villes seraient le nouveau remède à la suractivité urbaine : plus de nature, de lenteur et une meilleure santé.
Ce récit de la chute et de la rédemption n’est pas inédit. Comme l’a montré le philosophe Georges Canguilhem (1904-1995) pour la médecine, les récits sur le normal et le pathologique ligotent la pensée des urbanistes depuis au moins deux siècles.
Dès le XIXe siècle, les hygiénistes s’étaient attachés à promouvoir la santé publique en considérant les populations « en masse », à établir des statistiques et à cartographier des espaces insalubres destinés à être reconstruits selon les canons de l’architecture moderne.
Au début du XXe siècle, alors que les taux d’urbanisation culminaient en Europe occidentale, l’idéologie ruraliste taquinait les urbanistes, qui répliquaient avec des programmes incluant des parcs et des « espaces verts ».
Le contexte actuel atteste de la permanence des principes hygiénistes. Mais les failles de leur application montrent les moyens pour les dépasser.
Lors du premier confinement, les familles des métropoles et des banlieues, cloîtrées dans leurs petits appartements et privées d’espaces libres, ont mesuré la réduction de la notion de santé à la dimension physiologique. Leurs souffrances ont nourri la critique des logements collectifs, de la densité, de la dimension des appartements. De même, la crainte de la contagion et l’application du principe de solidarité, chère à Léon Bourgeois (1851-1925) [théoricien du solidarisme], ont subi quelques sérieuses entorses, malgré le repérage des « clusters » et les mesures de couvre-feu.
Face à l’hypothèse d’une obligation vaccinale, le gouvernement, sous la pression des petites revendications catégorielles ou individuelles, a multiplié les exceptions, rendant incompréhensible une stratégie générale. Etre ou non vacciné, disposer ou non d’un passe sanitaire, participer à la vie collective en virtuel ou en présentiel, résider ou non à l’écart des densités urbaines élevées et des sources de contamination : telles sont les variables qui agissent sur les comportements résidentiels contemporains. Quelle que soit la volonté des gouvernants pour soutenir l’activité économique, nos sociétés obéissent de plus en plus à une gestion sanitaire à la carte.
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