Pollution de l’air : D’abord une question sanitaire

 Pollution de l’air : D’abord une question sanitaire 

 

Guillaume Sainteny,  (Enseignant àAgroParisTech),  constate ( dans L’Opinion, extrait)  que l’on fait enfin un peu plus attention à la pollution aujourd’hui, alors que le climat avait occulté le débat.

 

Interview

Dans votre livre « Le Climat qui cache la forêt », paru en 2015, vous faisiez le constat que la lutte contre le réchauffement climatique avait occulté celle contre la pollution. Cela est-il en train de changer ?

On constate un début d’évolution dans ce sens. Lors de la sortie de mon livre, j’étais presque assimilé à un climato-sceptique. Maintenant, ce n’est plus le cas ! Je pense que cela s’explique par plusieurs facteurs. D’abord, par le scandale du « dieselgate » qui a mis en cause Volkswagen. La fraude, par un groupe de cette importance, sur un produit connu de chacun comme l’automobile et sa médiatisation ont manifestement choqué l’opinion. Ensuite, la succession de pics de pollution a marqué les esprits. Enfin, les gens commencent à se rendre compte de l’effet de la pollution de l’air sur leur santé et celle de leurs enfants. Cela ne concerne pas que la région parisienne. La vallée de l’Arve, dans les Alpes, par exemple, vient de connaître un épisode de 35 jours consécutifs de pic de pollution.

Pourtant, médecins, scientifiques et ONG estiment que la population ne prend pas assez en compte les dangers de la pollution.

Les évolutions des comportements sont très lentes. Les gens connaissent depuis longtemps les dangers du tabac et continuent à fumer ; ceux de l’alcool, et continuent à boire. Mais tout cela évolue : quand Air Inter a interdit le tabac sur ses vols, tout le monde a protesté. Aujourd’hui, il n’est plus possible de fumer dans les avions et cela semble tout à fait normal. Lors du lancement de la politique de sécurité routière, en France, en 1972, il y avait 18 000 tués par an sur les routes en France. Lorsqu’en 2002, Jacques Chirac a cité la sécurité routière comme l’un des trois chantiers prioritaires de son deuxième mandat, il y en avait encore 8 000. Nous en sommes à 3 500. Il a fallu 45 ans pour diviser le nombre de tués par six. Il faut donc du temps pour qu’une politique publique obtienne des résultats, surtout quand elle suppose des changements de psychologie. Dans le domaine de la pollution de l’air, certains polluants ont diminué comme le dioxyde de soufre, surtout émis par l’industrie. Mais d’autres augmentent (ozone) ou stagnent (dioxyde d’azote, particules fines). Ils sont davantage émis par les transports et le résidentiel et ne respectent toujours pas les seuils de réglementation européens. De fait, il est plus facile de lutter contre la pollution de quelques grosses unités industrielles que de diminuer les émissions de dioxydes d’azote ou de particules fines provenant des gaz d’échappement de 30 millions de voitures ou des feux de cheminée auxquels les gens sont très attachés. En outre, alors que la pollution de l’air est, en fait, davantage une question sanitaire qu’environnementale, le silence des différents ministres de la santé sur ce sujet n’aide pas à la prise de conscience.

Comment jugez vous les mesurez prises par Anne Hidalgo à Paris ?

Il me semble que ces mesures vont moins gêner son électorat que les Franciliens. La moitié des Parisiens n’ont plus de véhicules individuels et il existe en intra-muros de bonnes alternatives, au moins partielles (transport collectif, autolib, velib, etc.). Le débat santé publique versus circulation automobile penche donc en faveur du premier terme pour eux. La situation est évidemment différente pour les Franciliens, davantage dépendants du véhicule individuel. Certaines villes comme Milan, Londres, Tokyo, Oslo ou Stockholm sont allées plus loin en installant un péage urbain. En théorie économique, c’est parfaitement justifié. Les externalités du trafic routier sont beaucoup plus importantes en ville qu’en interurbain. Ce différentiel d’externalité ne peut se tarifer via le litre de carburant puisqu’on ne sait pas, à l’avance où on va l’utiliser. Mais il peut l’être par des péages. La loi Grenelle a d’ailleurs institué la possibilité de péages urbains en France. Mais, à ce jour, aucune ville n’est candidate.

La piétonnisation des voies sur berge peut-elle réduire la pollution ?

Jusqu’à présent, on a beaucoup vécu sur l’idée que pour fluidifier le trafic (ce qui est utile pour lutter contre la pollution), il fallait multiplier la voirie, construire de nouvelles routes, des rocades, etc. Or, un certain nombre d’études conduites à l’étranger, notamment en Corée ou aux Etats-Unis, montrent que lorsque l’on supprime des voies rapides urbaines, une part du trafic se reporte sur d’autres types de mobilité (marche, bicyclette, transports collectifs) et, de façon contre intuitive, une autre part du trafic s’évapore, c’est-à-dire qu’elle disparaît ! C’est probablement cette hypothèse que la maire de Paris souhaite vérifier en pratique, voire cette politique qu’elle cherche à mettre en œuvre.

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