Liban: Les pays occidentaux complices
La communauté internationale doit s’attaquer à la force de l’ombre qui empêche tout règlement de la crise : la « bancocratie » libanaise avec, à sa tête, le gouverneur de la banque centrale et les actionnaires des banques privées, souligne, dans une tribune au « Monde » (extrait) , Mounir Corm, né au Liban et dirigeant d’une société de gestion financière, à Paris.
Tribune.
L’effondrement de la situation économique, financière et sociale au Liban semble sans fin. La catastrophe humanitaire est totale, la misère touche aujourd’hui la majorité de la population, incapable de se nourrir face à l’hyperinflation et qui manque désormais de tout produit importé : médicaments, essence, électricité, etc. Cette situation invraisemblable s’aggrave de jour en jour, couverte et renforcée par l’immobilisme irréaliste d’une classe politique corrompue et criminelle.
Face à cette situation, les gouvernements occidentaux, au premier rang desquels la France, répondent par une position simpliste : nous ne bougerons ni n’aiderons financièrement le Liban tant que la classe politique libanaise ne se réformera pas. Cette position est éthiquement et politiquement condamnable à plusieurs titres.
Tout d’abord, elle impose une condition impossible à satisfaire. Demander des réformes à cette classe politique revient à espérer qu’un cancer malin en phase terminale se soignera lui-même – jamais ces anciens chefs de guerre et de familles féodales, prédatrices, mafieuses et au pouvoir depuis trente ans, ne se réformeront d’eux-mêmes.
Système politique et financier frauduleux
Deuxièmement, elle est fondamentalement hypocrite. Elle fait mine d’oublier que le système politique et financier frauduleux mis en place par la banque centrale et le secteur bancaire, et dont la famille Hariri a été la clé de voûte pendant plus de vingt ans, a été soutenu, depuis le début des années 1990, par ces mêmes gouvernements occidentaux. Ce système a été renfloué à travers la Conférence économique pour le développement par les réformes et avec les entreprises, organisée par l’Organisation de coopération et de développement économiques.
Enfin, cette position laisse au supplice une population civile exsangue et abasourdie, qui se bat au quotidien pour survivre dans une ambiance de fin du monde, entre le manque de liquidités, l’hyperinflation, la crise due au Covid-19 et les ravages de l’explosion du 4 août 2020. Il est urgent d’agir pour stopper cette chute dans le vide. Et d’abord d’un point de vue financier, par devoir humanitaire et moral, avant que le peuple libanais puisse reprendre son destin politique en main.
Il faut en premier lieu traiter l’urgence. La communauté internationale doit s’attaquer à la force de l’ombre qui empêche tout règlement de la crise financière : à savoir la « bancocratie » libanaise, avec à sa tête le gouverneur de la banque centrale et les actionnaires des banques privées, responsables premiers de cette crise. A la saisie confiscatoire des dépôts bancaires de tous les Libanais par l’Association des banques du Liban doit répondre une pression maximale (sanctions, saisine des avoirs) sur ces gens qui se sont enrichis sur le dos du peuple. Dans le même temps, un programme d’aide internationale doit, le plus rapidement possible, fournir une aide d’urgence pour permettre aux Libanais de retrouver un accès aux biens de première nécessité.
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