États-Unis : La vaccination obligatoire qui divise
Un article du Wall Street Journal montre que la vaccination obligatoire divise Amérique (Extrait)
Aux Etats-Unis, les chefs d’entreprise sont d’accord sur un point : il faut pousser les salariés à se faire vacciner pour que le variant delta, qui progresse très rapidement dans le pays, ne menace pas l’économie.
Sur la méthode, en revanche, les avis divergent. Certains militent pour des primes ou autres dispositifs incitant les Américains à accepter le vaccin contre la Covid-19. D’autres ont déjà opté pour l’obligation vaccinale.
Ces derniers jours, de Walmart dans l’Arkansas à Microsoft à Seattle, des groupes ont imposé la vaccination, essentiellement aux cols blancs qui réintègrent les bureaux. Mardi, Tyson Foods est même allé encore plus loin : la totalité du personnel du spécialiste de la viande devra être vaccinée avant le 1er novembre.
« C’est une décision mûrement réfléchie, a expliqué le directeur général du groupe, Donnie King, dans une note envoyée aux quelque 120 000 salariés américains. Nous encourageons nos équipes à se faire vacciner depuis des mois ; moins de la moitié de nos collaborateurs sont aujourd’hui vaccinés. »
Encouragement ou obligation, aucune des stratégies n’est sans risque pour les patrons, les salariés et les clients, mais les deux ont le pouvoir d’influencer la trajectoire de la pandémie.
Selon les dernières statistiques, plus d’un tiers des adultes américains sont vaccinés. Les entreprises qui ont opté pour l’incitation risquent de voir leurs locaux devenir des foyers de contamination. Celles qui ont choisi l’obligation pourraient perdre des salariés, une mauvaise nouvelle quand le marché du travail est tendu.
Chaque camp avance une myriade de raisons pour justifier son choix, même si beaucoup évoquent les dernières informations des centres américains pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC) en matière de transmission du variant delta par les personnes vaccinées.
Dans un marché du travail tendu, Walmart se trouve en concurrence avec Amazon.com et d’autres groupes qui n’ont aucune exigence en matière vaccinale
Certaines entreprises veulent rassurer les clients en leur montrant qu’ils peuvent se rendre en toute sécurité dans les magasins ou les parcs d’attractions. D’autres veulent éviter des arrêts maladie ou des absences qui viendraient entraver le redémarrage de l’activité. Une partie des patrons veut aussi en finir avec le télétravail et faire revenir les troupes au bureau. Les syndicats, eux, ont souvent tendance à compliquer encore les choses.
Si Walmart a choisi, au printemps dernier, de ne pas rendre la vaccination obligatoire, c’est notamment parce que les dirigeants du géant de la distribution avaient peur que les salariés aient du mal à se procurer le vaccin et parce que la FDA n’avait pas encore approuvé tous les dispositifs, a raconté une source proche du dossier. La semaine dernière, le groupe a annoncé que la vaccination serait obligatoire pour tous les salariés travaillant dans les bureaux et les responsables régionaux, mais pas pour ceux qui travaillent dans les supermarchés.
dans un marché du travail tendu, Walmart se trouve en concurrence avec Amazon.com et d’autres groupes qui n’ont aucune exigence en matière vaccinale. Le géant de la distribution offre néanmoins 150 dollars à ses salariés qui se font vacciner.
Certaines compagnies aériennes, elles, exigent que leurs nouvelles recrues reçoivent l’injection, mais ne demandent rien à leur personnel en poste. Les acteurs du secteur industriel, dont General Electric, Caterpillar et les « big three » de l’automobile, ont déclaré qu’ils n’imposeraient pas la vaccination à leurs équipes.
Snap-on, fabricant d’outils haut de gamme installé dans le Wisconsin, emploie essentiellement des ouvriers. Le groupe ne rendra pas la vaccination obligatoire, indique son directeur général Nicholas T. Pinchuk, parce qu’il pense que ce serait contre-productif.
« Pour moi, dire aux gens qui ne sont pas vaccinés qu’ils ont un problème, ce n’est pas la bonne façon de faire, affirme-t-il. Ça ne leur donnera pas envie de faire les choses. »
Le patron préfère vanter les mérites de la vaccination et laisser ses salariés aller se faire vacciner sur leur temps de travail. Le taux de vaccination de Snap-on est supérieur à la moyenne nationale, souligne d’ailleurs Nicholas T. Pinchuk, et les ouvriers sont plus nombreux que les employés de bureau à avoir reçu leurs injections. Il n’a pas souhaité fournir de chiffres précis.
Les entreprises qui veulent imposer la vaccination à des salariés syndiqués doivent par ailleurs en négocier les conditions. C’est notamment le cas chez Tyson : un quart des effectifs, soit environ 36 000 personnes, sont syndiqués ou concernés par des accords collectifs.
Sauf que les syndicats ont du mal à parler à l’unisson : certains ont estimé qu’il faudrait en passer par un accord collectif, quand d’autres ont publiquement exprimé leur soutien à la vaccination.
Mardi, General Motors et ses concurrents ont annoncé qu’après consultation du syndicat United Auto Workers, le masque serait à nouveau obligatoire pour les salariés.
Le porte-parole de l’UAW a précisé que la question du vaccin ferait l’objet de négociations avec les responsables syndicaux, ajoutant que l’UAW encourage les travailleurs à se faire vacciner.
Chez Walt Disney, qui a annoncé la semaine dernière que la vaccination serait obligatoire pour ses salariés (y compris ceux qui ne sont pas syndiqués), certains syndicats ont annoncé qu’ils soutenaient la mesure.
Pour Eric Clinton, qui préside un syndicat qui représente 8 000 salariés du parc Walt Disney World d’Orlando, en Floride, l’obligation vaccinale est une étape logique pour protéger la santé des collaborateurs. Le syndicat doit rencontrer Disney pour étudier les détails de la mesure et les modalités d’application, a-t-il ajouté.
Stuart Appelbaum, président du Retail Wholesale and Department Store Union, un syndicat qui représente les travailleurs de la distribution et de l’alimentaire (dont certains salariés des usines de transformation de volaille de Tyson), explique que beaucoup de salariés ont peur de se faire vacciner parce qu’ils ont des problèmes de santé, parce qu’ils ne font pas confiance à l’Etat ou parce qu’ils sont sceptiques vis-à-vis de la pandémie.
Si certains dirigeants se sont dits favorables à la vaccination dès le début de l’année, beaucoup d’entreprises ont préféré attendre que l’opinion publique évolue sur cette question avant de prendre position
En début d’année, la commission pour l’égalité des chances a déclaré que les employeurs américains avaient le droit d’exiger de tous les salariés physiquement présents dans leurs locaux qu’ils soient vaccinés.
La plupart des entreprises ont déclaré qu’elles accepteraient les dispenses pour motif religieux ou de santé, et certaines se demandent encore comment traiter les cas de refus. Au Texas, un centre hospitalier exigeant que tous ses salariés soient vaccinés a licencié plusieurs personnes qui refusaient de l’être.
Le porte-parole de Tyson a, lui, indiqué que le groupe continuera de faire de la pédagogie auprès des équipes et de les rassurer. Toutes les demandes de dispense pour motif religieux ou de santé seront examinées, mais la vaccination restera indispensable pour travailler.
Si certains dirigeants se sont dits favorables à la vaccination dès le début de l’année, beaucoup d’entreprises ont préféré attendre que l’opinion publique évolue sur cette question avant de prendre position, souligne Peter Capelli, professeur de gestion à la Wharton School de l’université de Pennsylvanie.
« Est-ce que vous préférez vous fâcher avec 100 % de vos salariés au moment où l’idée d’une vaccination émerge, ou attendre que la pression sociale pousse la quasi-totalité de la population à se faire vacciner et qu’il ne vous reste qu’une minorité à convaincre ?, résume-t-il. C’est beaucoup, beaucoup plus facile de convaincre une minorité que de contraindre la majorité. »
L’obligation vaccinale a reçu un soutien très tardif : début juillet, seules 15 % des quelque 150 entreprises interrogées dans le cadre d’un sondage commandé par le cabinet d’avocats Blank Rome se disaient favorables à une vaccination obligatoire, un chiffre similaire à l’enquête de février.
Les chefs d’entreprise et les responsables politiques ont haussé le ton. Ces derniers mois, un nombre croissant d’hôpitaux, d’universités et d’autres organisations ont opté pour la vaccination obligatoire. Et obtenu gain de cause quand des salariés les ont poursuivis en justice.
« Au départ, tout le monde a essayé de respecter le point de vue de chacun à propos du vaccin, mais on sait que si on continue de fonctionner comme ça, on risque de se retrouver dans une situation très délicate », estime Francine Katsoudas, directrice des ressources humaines de Cisco Systems.
Bon nombre d’entreprises américaines exigent d’ores et déjà un test de dépistage de certaines drogues, et par le passé, certaines ont demandé une vaccination contre la grippe
Le géant de l’informatique a exigé que les quelques salariés autorisés à revenir au bureau en juillet et en août soient totalement vaccinés, une exigence qu’il devrait continuer d’appliquer cet automne, lorsque la réouverture des bureaux se généralisera, ajoute-t-elle. « Il faut que l’on contrôle un peu l’environnement » dans lequel les gens travaillent, conclut-elle. De fait, bon nombre d’entreprises américaines exigent d’ores et déjà un test de dépistage de certaines drogues, et par le passé, certaines ont demandé une vaccination contre la grippe.
Harvey Spevak, président exécutif et directeur de la chaîne de salles de sport Equinox, raconte que la question de l’obligation vaccinale s’est faite plus pressante ces dix derniers jours, parce que les contaminations ont augmenté et que les CDC ont publié de nouvelles données et des recommandations sur le port du masque. L’entreprise a réalisé un sondage : 89% des 14 000 salariés ont déclaré avoir été vaccinés.
« On sait que c’est un sujet sensible, donc c’est plus facile de ne rien dire et de ne pas prendre position, souligne-t-il. Mais avec l’envolée des cas, on s’est dit que c’était la meilleure chose à faire. »
L’entreprise, qui possède aussi la chaîne de salles de vélo en intérieur SoulCycle, rendra la vaccination obligatoire pour les salariés et les clients de New York début septembre, puis étendra progressivement la mesure à ses autres sites. Mardi, la ville de New York a annoncé que, pour les activités en intérieur (restauration, salles de sport, événements culturels…), la présentation d’une preuve de vaccination serait obligatoire.
L’aciériste Cleveland-Cliffs a lancé début juillet un programme destiné à convaincre les salariés. Objectif : 75% de vaccinés parmi les 25 000 collaborateurs. Les salariés des sites qui atteindront ce chiffre recevront une prime de 1 500 dollars, qui pourra atteindre 3 000 dollars si le taux de vaccination monte à au moins 85 %. Le programme s’arrête le 21 août.
Pour le moment, un peu moins de 50 % des salariés ont été vaccinés, contre 35 % quand le programme a été lancé. Au siège de l’entreprise, à Cleveland, le taux de vaccination atteint 97 %, souligne Lourenco Goncalves, le directeur général. Dans l’une des usines de Conshohocken, en Pennsylvanie, 61 % des ouvriers ont été vaccinés, contre 20 % au lancement du programme.
Lourenco Goncalves explique qu’il ne rendra pas la vaccination obligatoire puisqu’il n’est pas nécessaire que la totalité des salariés soient vaccinés pour que le risque d’une contamination au travail baisse.
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