Les deux économistes Francis Bloch et Gabrielle Demange observent, dans une tribune au « Monde », que l’accord du G20 à Venise autour du taux minimum de 15 % sur le profit des multinationales laisse dans l’ombre les négociations acharnées autour des modalités effectives de la taxation (extrait)
Tribune.
L’accord signé samedi 10 juillet à Venise par les pays du G20 est une avancée considérable pour la taxation des multinationales, et en particulier celle des géants du numérique, mais il est loin d’être définitif. La réaction de Janet Yellen, secrétaire américaine au Trésor, demandant dès le lendemain à l’Union européenne (UE) l’abandon de la taxe numérique comme pré-condition à la signature d’un accord, montre que les négociations ne sont pas terminées.
La réponse de l’Union a été, pour l’instant, de reporter l’annonce de la taxe numérique à l’automne, date présumée de l’accord définitif. Pour mieux comprendre les enjeux des négociations en cours, rappelons les étapes déjà franchies et les questions qui restent en suspens.
Imposer les profits des multinationales tout en évitant la double imposition fut l’objectif premier de la réglementation de fiscalité internationale développée par la Société des Nations (SDN) dans les années 1920. Il suffisait alors de localiser les sources de profit : un investissement est déduit du profit dans le pays où il est réalisé et un pays a le droit de taxer les profits d’une multinationale uniquement si elle y développe des activités dans un établissement qualifié de « permanent ».
Ces règles sont obsolètes puisque de nombreux investissements, tels les algorithmes ou les marques, peuvent être « localisés » dans des paradis fiscaux et les technologies numériques permettent de générer des profits dans un pays sans pour autant y avoir un établissement permanent. Citons deux exemples : des entrepôts et chaînes logistiques comme ceux d’Amazon ne sont pas considérés comme des établissements permanents ; les revenus de publicités sur Internet ciblant des consommateurs français ne sont pas taxés en France, mais en grande partie en Irlande où les contrats publicitaires sont signés.
L’accord de Venise, fruit de négociations menées depuis une dizaine d’années sous l’égide de l’OCDE, vise à pallier ces difficultés. Il repose sur deux piliers. Le premier assouplit les règles permettant à des Etats de taxer les multinationales présentes sur leur marché ; le second, celui qui a le plus retenu l’attention des observateurs, instaure un taux minimal de 15 % sur les profits globaux des multinationales.
Le second pilier a pour objectif de lutter contre les politiques d’évitement fiscal. En usant de mécanismes parfaitement légaux (comme les déductions des royalties payées sur la propriété intellectuelle, ou des intérêts payés sur les prêts entre filiales), les multinationales sont passées maîtres dans l’art des transferts de profit vers les paradis fiscaux. Google, par exemple, localise son algorithme dans une filiale des Bahamas (pays à taux d’imposition quasi-nul) et reçoit les droits d’utilisation de la propriété intellectuelle du groupe.
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