La folie environnementale des voyages touristiques spatiaux
Un papier du Monde qui dénonce la folie environnementale des voyages spatiaux (extrait)
Il y a quelques jours, le Britannique Richard Branson, patron de Virgin Galactic, inaugurait le premier vol touristique suborbital. D’autres milliardaires sont prêts à utiliser les fusées de SpaceX, la société d’Elon Musk, pour rejoindre la station spatiale internationale, située à 400 kilomètres de la Terre, où un projet d’hôtel est planifié. Certains envisagent même de faire le tour de la Lune.
La tentation est grande de réduire ces projets de tourisme spatial à des caprices de milliardaires en manque de frissons. Certes, les onze minutes de vol que se sont offertes Jeff Bezos et ses compagnons ont un coût financier et environnemental démesuré pour le commun des Terriens, mais l’initiative est surtout conçue comme une étape vers des horizons beaucoup plus ambitieux.
A la manière d’Icare, qui tentait de s’échapper du labyrinthe conçu par Dédale, son père, grâce à des ailes fixées avec de la cire, Musk et Bezos poursuivent la même quête : permettre un jour à l’humanité de prendre ses distances avec une Terre devenue invivable, après que les hommes ont épuisé ses ressources et déréglé son climat. Quand le patron de SpaceX veut coloniser Mars, celui de Blue Origin imagine faire de l’espace une base arrière. L’urgence nous commande au contraire de consacrer tous nos moyens à préserver la vie sur la Planète bleue.
Un far west sans shérif
Se brûleront-ils les ailes avant de parvenir à leurs fins, comme dans le conte de la mythologie grecque ? En attendant, la privatisation de la conquête spatiale pose des questions plus immédiates. Les investisseurs du « New Space » sont en train de bousculer le pré carré des puissances étatiques grâce à des fusées réutilisables. Si le tourisme spatial devrait à court terme rester un marché de niche, en revanche, la diffusion de l’Internet haut débit par satellite, indispensable pour faire fonctionner des milliards d’objets connectés, sans parler des téléphones mobiles, constitue une source de profit et de pouvoir gigantesque pour ces nouveaux acteurs.
Avec sa constellation Starlink, composée de milliers de satellites, SpaceX a pris une longueur d’avance sur Jeff Bezos, transformant déjà l’orbite basse autour de 500 kilomètres de la Terre en une sorte de far west sans shérif où les risques d’accidents et de collisions avec les autres satellites sont de plus en plus fréquents.
C’est pourquoi l’exploitation de l’espace, touristique ou plus industrielle, doit être impérativement régulée, au moment où les acteurs étatiques sont en train de perdre leur suprématie. Cela pourrait passer par la création d’une gouvernance sous l’égide des Nations unies. Même si ces entreprises privées prétendent sauver l’humanité, l’espace ne leur appartient pas. Il serait regrettable de reproduire les erreurs commises avec l’Internet. Après avoir laissé une poignée d’entreprises fixer les règles pour le reste du monde, les Etats ont désormais toutes les peines du monde à juguler la puissance des géants du Web.
Si l’objectif de Jeff Bezos consiste à « construire la route vers l’espace », il revient à la communauté internationale d’en baliser le tracé. L’espace n’est pas une jungle, même pour le fondateur d’Amazon.
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