Élection présidentielle : la problématique des primaires
Rémi Lefebvre,Professeur de science politique, évoque dans le Monde la problématique un peu contrainte des primaires en vue des perspectives de l’élection présidentielle de 2022 (extrait).
Depuis 2017, le temps des « vertus magiques » prêtées à ce mode de désignation du candidat à l’élection présidentielle a fait long feu. Mais il semble « difficile à éviter », surtout pour les partis connaissant des problèmes de leadership, estime le professeur de science politique dans une tribune au « Monde ».
Tribune.
Vouées aux gémonies depuis 2017, les primaires ouvertes font leur retour dans l’agenda politique. L’engouement qui a marqué leur importation en France a fait place au désenchantement après les défaites cuisantes de François Fillon et de Benoît Hamon. L’heure est désormais au pragmatisme. Faute d’autres options, les primaires apparaissent comme une des seules solutions disponibles pour rassembler.
Les primaires ouvertes se sont imposées à partir des années 2000 au carrefour de l’efficacité électorale (produire un candidat plus représentatif) et de l’exigence démocratique (rendre le système politique plus participatif). En donnant plus de pouvoir aux sympathisants, elles permettent surtout de régler des problèmes souvent insolubles de leadership.
La séduction a ainsi été forte dans les vieux partis de gouvernement. La double victoire de François Hollande (primaire puis présidentielle) consacre cette procédure. L’efficacité électorale comme la mobilisation citoyenne ont été au rendez-vous, au point que la droite, qui y était opposée, se rallie à la méthode. Mais le cycle électoral de 2017 retourne l’image des primaires : de martingale de la victoire, elles deviennent des machines à perdre aux effets incontrôlables.
« La base militante toujours étroite des partis peut-elle redevenir une rampe de lancement solide pour le candidat ? Le risque serait alors de donner l’image de partis recroquevillés »
Cette critique des primaires n’est pas toujours fondée. Certes, elles renforcent certaines tendances problématiques des démocraties représentatives : la personnalisation, la politique entendue comme « course de chevaux » ou la dévaluation du militantisme. Mais les dirigeants les rejettent surtout parce qu’elles enclenchent un processus périlleux qui n’offre pas de garanties de victoire et exacerbe les divisions partisanes. Or cette analyse mérite d’être nuancée.
François Fillon a bénéficié d’un large ralliement de ses concurrents après la primaire et ne décroche dans les sondages qu’à la suite du scandale « Penelopegate » [dans lequel l’ancien premier ministre, alors candidat à la présidentielle, et son épouse, Penelope, ont été reconnus coupables de détournements de fonds publics, complicité et recel]. Il a utilisé, il est vrai, la légitimité démocratique de sa désignation pour empêcher toute candidature de substitution à partir de février 2017. S’il a tendance à polariser les positionnements politiques, ce mode de sélection du candidat ne produit pas d’effets mécaniques et dépend, en fait, de l’état des partis qui y ont recours.
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