Un système d’orientation scolaire obsolète
Alors que la procédure Parcoursup continue, Vincent Troger, maître de conférences honoraire en sciences de l’éducation, invite, dans une tribune au « Monde », à centrer davantage l’orientation sur le projet de vie des jeunes.
Tribune.
Depuis fin mai et jusqu’au 16 juillet (pour la phase principale), les lycéens et étudiants en réorientation reçoivent, au compte-gouttes, les réponses aux vœux d’orientation vers l’enseignement supérieur qu’ils ont exprimés sur la plate-forme Parcoursup. Cette année, comme les précédentes, la procédure n’a pas manqué de relancer les débats sur la politique d’orientation en France.
Dans un « cadre national de référence » publié en mai 2019, le ministère de l’éducation nationale rappelle sa logique de l’orientation à l’école : « permettre aux jeunes (…) d’élaborer progressivement leur projet d’orientation » à partir des informations que leur fournissent les documents de l’Onisep, les enseignants et les conseillers d’orientation. Ces informations reposent toutes sur le même principe : elles présentent « tous les diplômes proposés dans le cadre du service public d’éducation » et donnent « l’information sur les métiers et les formations » qui correspondent à ces diplômes. Ce dispositif repose donc sur l’idée qu’à chaque profession et niveau de qualification correspond une formation et un diplôme. Or cette logique d’une adéquation entre la formation, le diplôme et l’emploi est désormais de plus en plus obsolète. Comme si l’orientation scolaire était désorientée.
En effet, ce que l’on sait de l’entrée des jeunes sur le marché du travail montre que si, globalement, le diplôme protège à long terme du chômage, il ne garantit plus depuis longtemps une insertion stable dans le domaine professionnel correspondant théoriquement à la formation suivie. Plus exactement, cette garantie ne concerne plus que la proportion des jeunes qui accèdent, après le baccalauréat, aux formations sélectives de l’enseignement supérieur : certains BTS, IUT, médecine, sciences politiques, écoles de commerce, classes préparatoires aux grandes écoles… Or ces formations n’accueillent qu’environ 35 % d’une classe d’âge.
Pour les 65 % restants, l’insertion professionnelle est longue et discontinue. Une enquête de suivi de l’insertion professionnelle publiée par le Centres d’études et de recherches sur les qualifications en 2019 montre que dans la génération sortie du système scolaire en 2010, 17 % n’ont connu pendant sept ans que « chômage récurrent » ou « inactivité », et seulement 55 % d’entre eux ont obtenu rapidement un CDI. Et à la fin de la période d’enquête, ils sont encore 20 % à n’avoir qu’un emploi en CDD ou en intérim. Pour la majorité des jeunes, titulaires de diplômes universitaires, de bacs professionnels ou de CAP, les années qui suivent la sortie du système éducatif seront donc celles des CDD, de l’intérim, des petits boulots, des périodes de chômage, des retours en formation. En 2015, dans son étude intitulée « La face cachée des “Tanguy” », la Fondation Abbé Pierre recensait 338 000 jeunes adultes de plus de 25 ans obligés de recohabiter avec leurs parents en raison notamment de pertes d’emploi ou de revenus insuffisants.
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