Les limites de la science économique

Les limites de la science économique 

L’anthropologue, sociologue et médecin Didier Fassin plaide, dans une tribune au « Monde », pour une ouverture d’une discipline économique trop « monolithique » et normative aux autres sciences sociales et à de nouveaux paradigmes.

 

 

Didier Fassin enseigne à Princeton à l’Institut d’études avancées, haut lieu de « fertilisation croisée » entre les différentes disciplines des sciences humaines. Le texte ci-dessous est issu du discours qu’il a prononcé lundi 31 mai dans le grand amphithéâtre du « Monde » , à l’occasion de la remise du Prix du meilleur jeune économiste 2021, décerné chaque année par le Cercle des économistes et « Le Monde ». 

Tribune. 

 

N’appartenant pas moi-même à la discipline ainsi célébrée, je ne peux certainement pas me réclamer d’une compétence particulière, mais seulement d’une curiosité et d’un intérêt pour l’économie, et tout autant pour les économistes. A cet égard, deux circonstances singulières m’ont rendu attentif à l’évolution de la discipline et à l’activité de celles et ceux qui la pratiquent.

D’abord, animant l’Ecole de science sociale de l’Institute for Advanced Study de Princeton, qui se veut ouverte à tous les savoirs, j’ai tenu à ce que l’économie soit toujours représentée parmi les vingt-cinq chercheurs qui viennent y passer un an pour écrire leur livre ou leurs articles, ayant même en 2020 choisi comme thème fédérateur le très wébérien « Economie et société ».

Ensuite, dans la mesure où notre école est traditionnellement composée de quatre postes de professeur, en anthropologie, sociologie, science politique et économie, j’ai été chargé de conduire le recrutement sur ce dernier poste, ce qui m’a donné l’obligation de lire les travaux de nombre d’économistes, étant fort heureusement aidé dans cette tâche par un comité de véritables experts. Mon propos sera donc celui d’un observateur extérieur, naïf en quelque sorte, qui, à ce titre, osera des commentaires parfois étonnés.

L’extension du domaine de l’économie

Découvrir les recherches conduites par les économistes sélectionnés pour le Prix du meilleur jeune économiste a été pour moi un plaisir, d’autant qu’elles manifestent un engagement sur des enjeux importants de société, qu’il s’agisse de justice pénale, de démocratie représentative, de santé publique ou d’innovation scientifique – cette liste n’étant pas exhaustive.

Un tel éclectisme est significatif d’une évolution majeure à l’œuvre depuis plusieurs décennies : l’investissement des économistes sur des sujets paraissant éloignés de leur objet initial, à savoir les questions proprement économiques – ce que certains chercheurs, dans les disciplines ainsi visitées, voient même comme une colonisation. Cette extension du domaine de l’économie témoigne assurément du dynamisme et de la créativité de celles et ceux qui la pratiquent. Elle peut cependant trouver ses limites de deux façons : par défaut de critique épistémologique et par manque d’échange scientifique.

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