Dans une tribune de l’Opinion ,Emmanuel Sales estime que la politique restrictive de la BCE en matière d’inflation est responsable de la faiblesse de la croissance en Europe.
L’Europe enregistre depuis la grande crise financière une croissance faible qui représente un peu plus du tiers de celle des Etats-Unis. Alors que le continent affichait entre 1998 et 2008 une progression du PIB de 2,3 % l’an, soit 80 % de la croissance américaine, l’activité n’a progressé que de 1,4 % l’an entre 2010 et 2019 au moment où les Etats-Unis retrouvaient leur tendance d’avant-crise.
Cet écart s’est accentué avec la pandémie de Covid-19. D’après les prévisions de croissance de Goldman Sachs, parmi les plus optimistes, nous devrions retrouver notre pente de croissance d’avant la crise sanitaire en 2023, sans rattraper le chemin laissé depuis dix ans. L’Europe risque ainsi de connaître une nouvelle décennie perdue caractérisée par des anticipations de croissance faible, une demande interne réprimée, un climat d’incertitude peu propices à la mise en œuvre de l’agenda de puissance auquel aspirent les autorités européennes.
Cette croissance faible, sans emplois et sans enfants, n’est pas une fatalité. Elle résulte d’un pilotage macroéconomique et monétaire sous-optimal qui a conduit à privilégier des politiques de contraction de la demande interne (consommation et investissement) pour bénéficier de la demande externe et à ancrer les anticipations d’inflation à un niveau durablement faible (de facto inférieur à 2 %) dans le sillage de la lutte contre l’inflation élevée des années 1980.
Nouveau cap. Dans ce contexte, l’exercice de revue de la stratégie de politique monétaire, dans lequel la BCE s’est engagée à la suite de la Fed, revêt une importance capitale. Au-delà des plans de relance budgétaire, difficiles à mettre en œuvre au plan européen, et des mesures cycliques de soutien à l’investissement qui ont un impact ponctuel, seul un retournement durable des anticipations de croissance assurera une relance de l’activité domestique en Europe. Dans cette logique, la BCE devrait fixer un nouveau cap en matière d’inflation permettant de corriger les excès de la période antérieure et de donner des perspectives visibles à moyen terme aux entrepreneurs.
Pour établir ce nouvel environnement, nul besoin de modifier les traités. Il convient de donner un nouveau contenu à l’objectif de stabilité des prix que s’est prescrit la BCE à son origine. Les politiques de ciblage de l’inflation doivent prendre en compte l’inflation de moyen terme, telle qu’elle résulte en dehors des effets de court terme liés à la variation des prix des matières premières importées, et surtout, se fonder sur l’inflation effectivement constatée dans le passé et non sur les seules anticipations d’inflation qui se sont révélées un guide peu sûr et contredit par les faits. L’acceptation par la BCE d’un niveau d’inflation interne plus élevé dans le futur jouerait ainsi un rôle clé dans le rebond des perspectives économiques et le retour à moyen terme à des taux d’intérêt plus en phase avec les conditions normales de rémunération de l’épargne.
Les bouleversements historiques sont précédés d’une évolution des mentalités. Après des années de politique de ciblage de l’inflation, les autorités américaines ont engagé depuis plusieurs mois un tournant majeur de leur politique monétaire, analogue au « choc Volcker » du nom du président de la Fed qui avait lancé les politiques justifiées de lutte contre l’inflation élevée des chocs pétroliers. L’Europe est en mesure d’opérer un virage comparable.
Emmanuel Sales est président de la Financière de la Cité.
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