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Elections-Abstention : pas de reconquête sans électrochoc politique

 

Elections-Abstention : pas de reconquête sans électrochoc politique

 

À juste titre, la politologue Céline Braconnier, directrice de Sciences-Po Saint-Germain-en-Laye, estime que la reconquête devra passer par « un électrochoc » des partis.( Et sans doute une remise en cause globale du système politique et pas seulement des partis . De ce point de vue la problématique évoquée est assez incomplète et témoigne d’une vision assez réductrice des facteurs explicatifs de la crise démocratique surtout de la part d’une spécialiste directrice de Sciences-po à Saint-Germain-en-Laye. NDLR)

 

Interview dans le JDD

 

L’abstention de 66,7% lors du premier tour des élections départementales et régionales, dimanche dernier, n’augure pas une participation très élevée au second tour, dimanche. Pour la politologue Céline Braconnier, directrice de Sciences-Po Saint-Germain-en-Laye, c’est « un nouveau cap » franchi pour une démobilisation électorale continue depuis vingt ans. Interrogée par le JDD, elle explique les raisons d’une participation aussi faible et se projette vers l’élection présidentielle de l’an prochain : « La campagne de 2022 peut faire revenir aux urnes celles et ceux qui ne se seront pas déplacés cette année. »

Une telle abstention était-elle à redouter?
Il n’y a rien de surprenant à ce que cette démobilisation électorale, qui affecte depuis vingt ans tous les scrutins intermédiaires et s’amplifie de façon continue, passe un nouveau cap aujourd’hui. Espérons qu’il provoquera un électrochoc du monde politique sur ses pratiques, qui ne soit pas seulement de façade. Car cette désertion citoyenne ne signifie pas que les Français se désintéressent de la politique ; elle marque une distance forte aux institutions et une défiance quasi généralisée à l’égard des élus, ce qui n’est pas la même chose.

Pourquoi les jeunes ont-ils boudé les urnes?
Les jeunes sont des votants particulièrement intermittents. Aux législatives de 2017, seuls 27% des 18-30 ans avaient voté. Que leur participation ne dépasse pas 10 à 15% pour un scrutin régional et départemental sans véritable campagne n’est donc pas étonnant. L’excitation du premier vote à 18 ans n’a pas complètement disparu. Mais ensuite, le vote devient fortement irrégulier et ne se régularise qu’une fois la vie personnelle et professionnelle stabilisée, dans le prolongement d’autres formes d’intégration sociale. S’ajoute aussi un facteur générationnel : ceux qui ont 20 ans aujourd’hui ne culpabilisent plus de s’abstenir quand ils ne comprennent ni les enjeux ni les offres. Alors que les catégories plus âgées continuent de voter par devoir, même lorsqu’elles sont désenchantées. Pour remobiliser les jeunes, les partis devront donc clarifier leurs positions et leurs programmes et faire montre de pédagogie. La valse des étiquettes et les alliances à géométrie variable ont montré à quel point les candidats étaient cette année restés indifférents aux besoins de clarté des électeurs.

Les formations dont l’électorat est plus jeune [RN, EELV] sont désavantagées quand l’abstention est élevée

L’abstention a-t‑elle une signification territoriale?
L’âge n’est pas le seul déterminant de l’abstention. La situation économique et le niveau de diplôme jouent également. Le 20 juin, comme lors de scrutins précédents, on a encore moins voté dans les quartiers populaires des métropoles que dans les centres-villes privilégiés ou les campagnes. Dans les zones rurales, dont la population est plus âgée et moins mobile, la pression sociale au vote reste aussi plus forte, du fait de l’interconnaissance. Même avec ce niveau très élevé d’abstention, on continue d’enregistrer des inégalités socioterritoriales de participation électorale.

L’abstention pénalise-t‑elle davantage certains partis?
Les formations dont l’électorat est plus jeune [RN, EELV] sont désavantagées quand l’abstention est élevée, car leurs électeurs potentiels restent plus difficiles à mobiliser. À l’inverse, le PS ou surtout LR, dont les sympathisants sont plus âgés, apparaissent moins impactés. Les déterminants sociodémographiques de la participation se cumulent, neutralisent ou compensent des niveaux variables de politisation. Et les formes comme l’intensité de la campagne peuvent produire des effets d’entraînement jusqu’au dernier moment. Ça explique que les sondeurs peinent à anticiper l’abstention et ses effets sur les résultats électoraux.

 

Quels sont les dangers d’une telle désaffection?
Le fait que la petite partie de la population qui vote constamment soit beaucoup plus âgée que la moyenne risque de renforcer le sentiment d’abandon, et donc l’auto-exclusion des jeunes de la civilisation électorale. Car les élus tendent à s’adresser prioritairement, tant dans leurs programmes qu’à travers leurs politiques publiques, à ceux qui votent.

Ceux qui s’abstiennent lors des scrutins locaux continuent de se mobiliser pour la présidentielle (!)

Est-ce de mauvais augure pour la présidentielle?
Il n’y a pas, jusque-là, de rupture avec le vote : ceux qui s’abstiennent très largement lors des scrutins locaux continuent de se mobiliser massivement pour la présidentielle, même si c’est un peu moins à chaque fois. À la condition qu’elle soit de forte intensité, porteuse d’offres politiques clivées et de figures incarnant des promesses de changement, qu’elle ne soit pas mise en scène comme jouée d’avance et que les procédures électorales facilitent la participation de tous, la campagne présidentielle de 2022 peut faire revenir aux urnes celles et ceux qui ne se seront pas déplacés cette année.

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