Ken Fisher est président et directeur de Fisher Investments Europe, président exécutif et co-directeur des investissements de Fisher Investments remet à plat la relation action Et devise (dans le Wall Street Journal) (Extrait)
En décembre, nous vous disions que l’issue des élections américaines de 2020 conduirait au blocage – avec une incidence haussière de Los Angeles à Lyon. Les devises le prouvent. Le dollar tend à s’apprécier lorsque des partis politiques différents se partagent la Maison Blanche, le Sénat et la Chambre des représentants – c’est la définition traditionnelle de la paralysie politique. En revanche, lorsqu’un parti contrôle ces trois organes, le dollar a tendance à se déprécier.
Après l’arrivée au pouvoir de Jimmy Carter en 1976, par exemple, le parti démocrate a pris le contrôle du gouvernement pendant quatre ans, période durant laquelle le billet vert a perdu 8,9 % par rapport aux autres devises internationales. En 1980, le parti républicain a remporté la présidence et le Sénat, mais pas la Chambre des représentants, créant ainsi une situation de paralysie. L’année suivante, le dollar a grimpé en flèche, gagnant 12,3 % par rapport aux autres devises internationales et 26,8 % par rapport au franc. Trois ans plus tard, alors que les élections américaines de 1984 approchaient, il s’était arrogé +39,1 % par rapport aux autres devises internationales, poussant les plus grandes banques centrales du monde à intervenir.
Nous avons tous accès aux données et sommes donc tous à même de comprendre cette tendance à long terme. Les marchés intègrent ces informations dans leurs cours extrêmement rapidement, ce qui laisse peu de marge de manœuvre. On est donc en droit de se demander ce qui a échappé aux fanas des données.
Les marchés ont compris une chose, les démocrates ne bénéficient que d’une très faible majorité au congrès et le parti est rongé par des querelles internes, ce qui a cimenté la situation de paralysie politique dans le pays
En début d’année, ils s’inquiétaient de l’inhabituelle hausse du dollar qui, dans le contexte d’un gouvernement unifié, annonçait selon eux de très mauvaises nouvelles, lesquelles auraient été anticipées par les marchés des changes bien avant les marchés actions. Que ce soit une récession à double creux en Europe, la politique fiscale de Joe Biden ou encore des errements de la Banque centrale européenne, la liste de leurs spéculations est sans fin.
Mais la réalité est beaucoup plus simple. Les marchés ont compris une chose, les démocrates ne bénéficient que d’une très faible majorité au congrès et le parti est rongé par des querelles internes, ce qui a cimenté la situation de paralysie politique dans le pays. Le « contrôle » dont jouissent les démocrates repose sur une légère majorité à la Chambre des représentants et sur une répartition 50/50 au Sénat, alors que la plupart des propositions requièrent 60 voix pour être adoptées. Les marchés ont également anticipé le redécoupage électoral imminent à la Chambre des représentants. Et le spectre de cette redistribution potentielle dissuade l’adoption de projets de loi controversés avant les élections législatives de 2022. Dans ces conditions, le billet vert a gagné plus de 4 % par rapport à l’euro au premier trimestre.
Les commentateurs expliquent cette solidité par la modification du calendrier des relèvements de taux de la Réserve fédérale, ainsi que par les difficultés rencontrées en Europe pour maîtriser le variant Delta de la Covid. Ils crient au loup ! Mais ils oublient que le dollar s’est apprécié plusieurs semaines avant que la Fed ne modifie – très légèrement – son calendrier monétaire, au moment même où Joe Biden annonçait son intention de réduire son programme de dépenses d’infrastructure de 2 200 à 1 000 milliards de dollars sans relever le taux de l’impôt sur les sociétés comme il avait précédemment envisagé de le faire. Même ces compromis considérables n’ont pas suffi à satisfaire les modérés, dont il a tant besoin. La controverse ne mène à rien. C’est la paralysie politique dans toute sa splendeur.
Où que le dollar et l’euro aillent à l’avenir, n’oubliez pas que les fluctuations des devises n’annoncent jamais quelque chose qui aurait échappé aux marchés boursiers. Parmi les marchés affichant une liquidité similaire, aucun actif n’est plus « intelligent » que les autres. Les investisseurs en actions ont accès aux mêmes rapports, aux mêmes données et au même buzz que les cambistes, et ce, au même moment. D’ailleurs, il s’agit souvent des mêmes personnes.
L’histoire nous enseigne que les fluctuations de change n’influencent pas les actions, même si les replis et les hausses de l’euro font respectivement augmenter et diminuer les rendements des actifs libellés dans d’autres devises. Prenons par exemple l’année 2020, durant laquelle la monnaie unique a progressé d’environ 9 % par rapport au dollar. Le CAC40 a perdu 5 % sur la période et les actions de la zone euro ont reculé de 1 %, sous-performant dans les deux cas les actions américaines en hausse de 8 %.
Les actions de la zone euro ont tendance à surperformer très légèrement leurs homologues américaines en cas d’affaiblissement de la monnaie unique
Sur les vingt dernières années, les mouvements de l’euro par rapport au dollar ne montrent qu’une corrélation de -0,12 vis-à-vis de la performance relative des actions de la zone euro par rapport à celles des Etats-Unis. Autrement dit, les actions de la zone euro ont tendance à surperformer très légèrement leurs homologues américaines en cas d’affaiblissement de la monnaie unique. Mais sachant qu’une corrélation de 1,0 correspond à une évolution parfaitement parallèle et -1,0 à un mouvement diamétralement opposé, la relation n’est pas assez significative pour influencer les décisions d’investissement.
Pourquoi les devises n’affectent-elles pas l’évolution des actions ? En partie parce qu’aujourd’hui, rares sont les entreprises qui fabriquent et vendent leurs produits, ou qui s’approvisionnent, exclusivement dans un seul pays. La plupart d’entre elles importent des matériaux, des machines ou des composantes, opèrent à l’étranger et vendent leurs produits dans d’autres pays. Les coûts et les recettes en devises étrangères atténuent ces effets. Les multinationales ont également compris l’impact potentiel des devises. Elles peuvent ainsi prendre des mesures pour se protéger contre le risque de change. Et les investisseurs en actions tiennent systématiquement compte de tous ces facteurs.
La récente évolution des craintes liées aux devises est relative au sentiment et non pas à des facteurs fondamentaux. Bien que le climat devienne plus optimiste, les épisodes d’anxiété persistants à l’égard des devises nous révèlent que ce marché haussier devra encore surmonter de nombreuses inquiétudes.
Ken Fisher est président et directeur de Fisher Investments Europe, président exécutif et co-directeur des investissements de Fisher Investments.
0 Réponses à “La fausse relation actions et devises”
0 Réponses à “La fausse relation actions et devises”