Projet de loi sur le renseignement : vers la dictature ?
Ce que laissent entendre les juristes Arthur Messaud et Martin Drago qui alertent sur le fait que le texte examiné cette semaine au Sénat rend possible l’utilisation de « boîtes noires » capables d’analyser les comportements de toute la population.Une inquiétude évidemment excessivs voire caricaturalessi on oublie que l’objectif est de viser les criminels extrémistes potentiels vis-à-vis desquels les démocraties sont bien mal armées.
Tribune.
A partir du mardi 29 juin, les sénateurs examineront, dans l’Hémicycle, le nouveau projet de loi relatif à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement. Nous les appelons à le rejeter entièrement.
Parmi les nombreuses dispositions de ce texte attentatoire à nos libertés [voir notamment le communiqué de l’Observatoire des libertés et du numérique et de Wikimédia France du 15 juin 2021 : « Loi Renseignement 2, refuser l’emballement sécuritaire »], l’une des plus graves concerne la surveillance de masse des communications par des algorithmes que l’on appelle aussi « boîtes noires ». Ces logiciels analysent l’ensemble des métadonnées (numéros de téléphone appelés, date et durée des appels, etc.) transitant sur les réseaux afin de détecter des comportements qui, d’après les services de renseignements, pourraient révéler des activités terroristes. Voté comme une mesure expérimentale en 2015, le nouveau projet de loi veut pérenniser ce dispositif et lui permettre d’analyser aussi, désormais, les adresses des sites Web consultés.
L’analyse des communications est automatique, réalisée par des machines. C’est là tout le problème : alors que la surveillance « humaine » ne permettait que des analyses « ciblées », l’automatisation rend possible de surveiller l’ensemble du réseau − toute la population. C’est la logique de la surveillance de masse, du « tous suspects » qui est pérennisée en même temps que cette mesure.
Le fait que le dispositif soit limité à la prévention du terrorisme ne doit en aucun cas nous rassurer : ce critère a déjà été dévoyé pour surveiller des opposants politiques, que ce soit dans l’affaire de Tarnac [affaire politico-judiciaire qui a abouti, en avril 2018, à la relaxe quasi générale de huit militants anticapitalistes] ou dans les diverses mesures de censure contre le réseau Indymedia [une plate-forme de médias alternatifs] en 2017.
Les services de renseignements n’étant limités par aucun contre-pouvoir indépendant, nous ne pouvons que redouter une pérennisation de ces dévoiements. Danq sa « stratégie générale du renseignement » publiée en 2019, l’Elysée considère, par exemple, que « l’anticipation, l’analyse et le suivi des mouvements sociaux et [des] crises de société par les services de renseignements constituent une priorité », et qu’« anticiper les dérives violentes s’applique également (…) aux affirmations de vie en société qui peuvent exacerber les tensions au sein du corps social ».
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