Croissance États-Unis : la reprise grâce à l’investissement
Un article de Sarah Chaney Cambon Dans le Wall Street Journal
Aux Etats-Unis, l’investissement s’impose peu à peu comme un élément phare de la reprise.
Ordinateurs, machines, logiciels : de plus en plus confiantes en l’avenir, les entreprises multiplient les achats.
Au premier trimestre, portées par les logiciels et les équipements technologiques, les dépenses non résidentielles en actifs fixes, qui permettent d’apprécier les dépenses des entreprises, ont progressé de 11,7 % sur un an en données corrigées des variations saisonnières, selon le département du Commerce. Après s’être effondré en raison des confinements, l’investissement avait déjà enregistré une hausse à deux chiffres au troisième et au quatrième trimestre 2020. Il a désormais dépassé le niveau qu’il atteignait avant la pandémie.
Les commandes de biens d’équipement hors défense et hors avions, qui permettent aussi de voir comment évolue l’investissement, frôlent leur plus haut niveau depuis le lancement de cette série statistique dans les années 1990, révèle une autre publication du département du Commerce.
« L’investissement des entreprises a été un moteur important de la reprise économique américaine », analyse Robert Rosener, économiste senior spécialiste des Etats-Unis chez Morgan Stanely. Pour nous, c’est sans conteste un point positif pour l’avenir. »
Les dépenses des ménages, qui représentent environ deux tiers de l’activité économique, portent le début de la reprise. Profitant de leur épargne et des aides publiques, les Américains ont acheté des biens et des services, ce qu’ils n’avaient pas réellement pu faire pendant la pandémie.
Pour que cette reprise se poursuive une fois que l’impulsion donnée par la relance budgétaire et la réouverture des magasins s’estompera, il faut que l’investissement prenne le relais, estiment certains économistes.
De fait, plus d’investissement, c’est plus de croissance, mais aussi plus de productivité, c’est-à-dire de production par heure travaillée. Cette variable, qui n’avait connu qu’une hausse poussive lors de la dernière expansion économique, semble cette fois-ci rebondir.
Le rebond de l’investissement semble bien plus net que celui qui avait suivi la récession de 2007-2009. « Les événements, surtout fin 2008 et début 2009, ont beaucoup fait souffrir les entreprises, souligne Phil Suttle, fondateur de Suttle Economics. Pour moi, beaucoup d’entre elles se sont dit qu’il valait mieux être prudentes pendant un certain temps. »
Aujourd’hui, le risque semble leur faire moins peur.
Après la crise financière, les entreprises se sont développées en recrutant des salariés plutôt qu’en investissant dans du matériel : abondante et relativement bon marché, la main-d’œuvre était plus intéressante que le capital fixe. Aujourd’hui, les travailleurs se font plus rares. Les entreprises augmentent les salaires pour attirer les talents et il leur semble donc plus pertinent d’investir.
Selon les économistes de Morgan Stanley, l’investissement devrait atteindre 116 % de son niveau d’avant-récession d’ici trois ans. A titre de comparaison, il lui avait fallu dix ans pour y arriver après la crise de 2007-2009.
De fait, les chefs d’entreprise sont de plus en plus optimistes pour l’économie. L’indice Business Roundtable des perspectives économiques, qui traduit les projets des grandes entreprises en matière de recrutement et de dépenses et leurs prévisions commerciales, a progressé de 9 points au deuxième trimestre, à 116, frôlant son record de 2018, révèle l’enquête réalisée entre le 25 mai et le 9 juin. Au deuxième trimestre, 59 % des entreprises disaient vouloir augmenter leurs investissements, contre 57 % au premier.
« La demande liée à la réouverture est vraiment forte et l’investissement s’inscrit souvent dans cette dynamique », affirme Joe Song, économiste senior spécialiste des Etats-Unis chez BofA Securities.
Selon lui, la confiance et l’investissement devraient aussi profiter d’une moindre incertitude quant aux relations commerciales entre la Chine et les Etats-Unis. « A tout le moins, les entreprises comprendront la stratégie que l’administration Biden essaie de suivre et pourront s’organiser en fonction », explique-t-il.
Une partie du rebond de l’investissement est liée au manque de matières premières auquel beaucoup d’industriels ont été confrontés ces derniers mois.
« Le problème des goulets d’étranglement logistiques que l’on observe aujourd’hui, c’est l’accumulation des commandes », souligne Robert Rosener, qui ajoute que cette accumulation a dopé l’activité industrielle.
La demande en biens manufacturés a augmenté en mai et les stocks sont tombés à un point bas historique, d’après l’enquête de l’Institute for Supply Management (ISM).
Le secteur secondaire est très gourmand en capital : il faut un investissement bien plus important pour fabriquer une voiture que pour servir un repas au restaurant, explique Robert Rosener. D’après lui, la production devrait rester dynamique pendant plusieurs trimestres encore puisque les entreprises reconstituent leurs stocks.
Et, même à plus long terme, les perspectives de l’investissement sont radieuses. Bien que l’incertitude économique ait tendance à dissuader les entreprises d’investir, un événement comme la Covid-19 les encourage à le faire. La pandémie a obligé les entreprises à limiter les contacts entre consommateurs et salariés, ce qui les a poussées à investir dans des technologies numériques qui permettent d’augmenter la productivité, une tendance que beaucoup d’économistes considèrent comme durable.
« Le secteur des services, tous segments confondus, utilise beaucoup la technologie, souligne Phil Suttle. Et c’est forcément difficile à faire sans acheter davantage. »
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