Abstention : les médias aussi en cause
France Info a consulté plusieurs experts sur la responsabilité des médias vis-à-vis de l’abstention (extraits).
Pour Erik Neveu, sociologue des médias et professeur à l’IEP de Rennes, pour qui l’abstention est un phénomène « multicausal ». « Il y a une part de responsabilité collective et tripartite, entre les politiques, les médias et les citoyens », abonde David Medioni, journaliste et directeur de l’Observatoire des médias à la Fondation Jean-Jaurès. « Les médias se sont gargarisés des sondages, en expliquant que le Rassemblement national allait rafler deux ou trois régions, en parlant d’un duel entre le RN et La République en marche. La nationalisation de la campagne n’a pas réellement aidé les citoyens à se motiver à aller voter », précise-t-il.
« Les émissions politiques où l’on peut débattre avec du sérieux et des arguments ont virtuellement disparu. »
Pour Patrick Eveno, sociologue des médias et vice-président du Conseil de déontologie journalistique et de médiation, « il est toujours facile de faire porter aux médias cette responsabilité, mais les médias ne font pas l’élection et ne décident pas du comportement électoral des électeurs ». Pour lui, « l’offre politique actuelle est complètement décalée de la demande des citoyens ». Dans ce contexte, « les journalistes ne peuvent pas imposer aux femmes et hommes politiques autre chose que ce qu’ils proposent ».
« les médias ont sans doute insuffisamment pris le contre-pied de cette ‘nationalisation de l’enjeu’ », juge Jean-Marie Charon, sociologue spécialisé dans les médias, l’information et le journalisme. Erik Neveu va dans le même sens : « La grandeur du journalisme, c’est aussi de chercher à définir l’agenda, à éclairer autrement des questions déjà dans le débat public. » Pour David Medioni, « c’est le symbole d’une profession qui a du mal à faire remonter des préoccupations qui ne sont pas forcément celles des politiques ».
Les élections régionales ont également été marquées par une part non négligeable de stratégie politique, au détriment du fond. « Les sociologues traitant la chose politique qualifient ça de ‘course de petits chevaux’, avec uniquement les aspects tactiques. C’est ce qui demande le moins de moyens et d’investissement journalistiques, et c’est ce qu’adorent les hiérarchies et les éditorialistes », regrette Jean-Marie Charon.
Les spécialistes interrogés sont unanimes : il faut mener une réflexion autour de la manière de traiter le fait politique. « Il est urgent de reprendre le sujet à partir des enjeux à traiter, du fond des réponses avancées par les uns et les autres, et de cesser la polarisation sur les questions essentiellement tactiques », estime Jean-Marie Charon. Selon lui, les stratégies politiques « n’intéressent plus la majorité des Français, voire les dégoûtent du champ politique et des échéances électorales ».
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