Hypothèse d’une inflation seulement transitoire

Hypothèse d’une inflation seulement  transitoire

Hughes Beuzelin, Président-fondateur de BDL Capital Management relativise dans la Tribune L’hypothèse d’une hausse durable de l’inflation.

 

Le prix moyen pour l’acheminement d’un container entre Shanghaiet l’Europe occidentale est passé de 890 dollars en juin 2020 à 3.800 dollars en décembre et 6.351 dollars en juin.

Indéniablement, l’inflation est de retour. C’est particulièrement le cas aux Etats-Unis, où l’indice des prix à la consommation (CPI) au mois de mai est en hausse de 5% sur un an. On peut donc légitimement se demander si la période de basse inflation des dernières années est simplement définitivement révolue ou seulement en pause. On peut se le demander, et d’ailleurs… tout le monde se le demande !

Mais les commentateurs du secteur financier se réfugient souvent vers une conclusion facile : il est trop tôt pour conclure que le pic d’inflation que nous vivons actuellement sera durable. L’argument est que le formidable excès d’épargne accumulé par les ménages depuis le Covid19, particulièrement aux Etats-Unis, va se traduire par une libération brutale, mais provisoire d’une demande « refoulée », à la faveur de la réouverture de l’économie. Certes, le pic d’inflation observé jusqu’ici s’explique essentiellement par quelques secteurs (énergie, véhicules d’occasion), et non par une hausse généralisée des prix. Le reflux récent des anticipations d’inflation démontre d’ailleurs que le marché juge crédible la politique ultra accommodante maintenue par la Fed. Mais les investisseurs ne choisissent-ils pas simplement ce qui les arrange le mieux ? Il n’est pas facile pour les investisseurs institutionnels aux portefeuilles gorgés d’obligations d’envisager une situation de remontée durable de l’inflation qui serait meurtrière pour les portefeuilles.

Attention aux effets de second tour

En tant que gérants actifs, nous nous devons de regarder avec distance les consensus, surtout que quelques voix dissonantes se font entendre au sein de la banque centrale américaine sur le caractère transitoire de l’inflation. La possibilité d’une erreur de politique monétaire de sa part n’est pas à négliger. Plutôt que de rester concentrés sur ce que croit le marché, nous écoutons les messages venus des entreprises dans lesquelles nous investissons. D’ores et déjà, on perçoit certains signaux qui plaident pour une inflation plus durable. Tout d’abord, il faut garder à l’esprit qu’une inflation peut en cacher une autre, en décalé. Dans l’agroalimentaire, Danone évoque des hausses de coûts en hausse de près de 10% pour des intrants comme le lait et le plastique et le fabricant de produits d’hygiène Essity parle d’une hausse de 30% à 40% pour la pâte à papier en Europe. Mais ces acteurs de la grande consommation n’ont pas la possibilité de répercuter immédiatement ces hausses aux distributeurs avec lesquels ils ont généralement des contrats bisannuels. On peut attendre de pareils effets de second tour liés à la hausse – colossale – des coûts de transport. Le prix moyen pour l’acheminement d’un container entre Shanghai et l’Europe occidentale est passé de 890 dollars en juin 2020 à 3.800 dollars en décembre et 6.351 dollars en juin.

La transition énergétique sera inflationniste

Et il ne faut pas non plus négliger la volonté grandissante des États de modeler la reprise économique, notamment via des plans de relance orientés vers la transition énergétique. On voit déjà à quel point le choix fait par l’Allemagne de développer des sources d’énergies renouvelables, mais intermittentes, a été inflationniste sur les prix de l’électricité, car nécessitant de conserver des capacités conventionnelles. Indéniablement, la décarbonation de l’économie va coûter cher et soutenir durablement les cours de certaines terres rares ou de métaux comme l’argent, présent dans les véhicules électriques, ou le cuivre, qui va être nécessaire en grande quantité pour relier les projets éoliens offshore aux réseaux terrestres. L’électronique est un autre domaine où la demande ne semble pas près de faiblir et où une inflation plus durable sera facilitée par plusieurs facteurs : une offre relativement peu élastique, dans la mesure où la création d’une nouvelle usine est l’affaire de plusieurs années, et un secteur devenu très oligopolistique.

Les tensions sur les salaires sont à surveiller

 

Bien sûr, il faudra aussi surveiller comment évolue l’inflation salariale et notamment observer les impacts à long terme de la récente crise. Le magazine Le Point titrait récemment sur les « Français qui n’ont plus envie de travailler » et il est évident que la mise en pause de pans entiers de l’économie a incité les gens à s’interroger sur leurs conditions de travail. Aux États-Unis, les emplois de gardiennage sont désormais rémunérés entre 11 et 13 dollars de l’heure contre 8 à 10 dollars avant crise. Enfin, n’oublions pas qu’une inflation plus soutenue est un des moyens les plus efficaces pour les États de résorber leur surendettement.

Est-il trop tôt pour conclure que le pic d’inflation en cours sera durable ? Sans doute. Mais conclure le contraire serait tout aussi prématuré.

Hughes Beuzelin (*)

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