Numérique : Pour une gouvernance internationale transatlantique
Spécialiste des enjeux de l’économie numérique, Asma Mhalla plaide, dans une tribune au « Monde », pour la mise en place par les Etats-Unis et l’Union européenne d’une alliance numérique transatlantique.
Le défi est grand. L’Europe rêve d’une troisième voie indépendante, les Etats-Unis, de maintenir le statu quo. Mais la conflictualité croissante du monde et l’interdépendance de nos économies appellent à une communauté de destin. Donc de valeurs. Plutôt qu’un repli souverainiste crispé, nous gagnerions à sortir de dogmes anachroniques pour dessiner les contours d’une forme nouvelle de souveraineté élargie et collaborative autour d’une alliance numérique transatlantique.
Sur un plan purement technique, l’innovation, relativement homogène, n’est plus un critère suffisamment différenciant entre les forces en présence. Le combat technologique est surtout idéologique. Les socles technologiques et algorithmiques ne sont en effet pas un simple empilement de fonctionnalités neutres. Leur conception, les arbitrages qui les précèdent, les finalités qu’ils poursuivent sont porteurs d’une certaine vision du monde.
Dans la course mondiale aux normes, les lignes de clivage entre les blocs portent donc désormais sur les valeurs, les projets de société, l’architecture politique et technologique associée. Mises sous pression par les puissances concurrentes, les démocraties occidentales, Europe et Etats-Unis en tête, doivent se positionner rapidement, en clarifiant la singularité de notre modèle éthique, technologique et politique.
Or, jusqu’à présent, l’absence d’une gouvernance numérique articulée de part et d’autre de l’Atlantique nous a fait perdre la première partie de la bataille normative internationale tout en fragilisant le pacte démocratique sur le plan national. Plutôt que de se démarquer, nos Etats ont massivement convergé vers le modèle techno-sécuritaire chinois, combinant démocratie et autoritarisme dopé aux algorithmes prédictifs.
Nous avons inextricablement enchevêtré les technologies numériques, par nature duales, dans la toile du capitalisme de surveillance. Outrepassant toute considération éthique et démocratique, marqueurs historiques du bloc occidental. A ce compte-là, quelle différence y aura-t-il demain entre le modèle chinois, russe ou occidental ? Pour exister face aux nouvelles puissances, nous allons devoir renouveler rapidement nos modes de gouvernance.
0 Réponses à “Numérique et intelligence artificielle: Pour une gouvernance internationale transatlantique”