L’acteur et directeur d’un centre dramatique national Robin Renucci s’interroge, dans une tribune pour « le Monde », sur les conditions d’un tel dialogue en précisant n’avoir choisi d’affirmer « aucun engagement public face aux sollicitations ».
Tribune. La campagne électorale bat son plein. Chacune et chacun aura bientôt, en conscience, à faire son choix dans les urnes. Il en va de la liberté républicaine et du droit de chaque citoyenne et citoyen de faire savoir, ou pas, s’il entend soutenir publiquement l’un ou l’autre parti.
Réalisateur, directeur d’un centre dramatique national, président d’association, acteur sur scène et à l’écran, à ce titre connu du public, j’ai choisi, pour ma part, de n’affirmer aucun engagement public face aux sollicitations. Je ne souhaite pas participer à cette forme de « pipolisation » de la politique qui consisterait à ce que des personnalités, plus ou moins médiatiques, montrent le chemin à suivre à un peuple égaré, en brandissant l’étendard d’un candidat, d’un parti.
Pour autant, j’ai accepté de dialoguer avec les équipes de plusieurs candidates et candidats sur quelques thèmes pour lesquels, avec d’autres, nous militons depuis des années : les questions de l’art et de la culture dans nos vies, de l’éducation populaire, de la transmission, de la laïcité…
Pour ce faire, j’ai répondu aux invitations qui m’étaient adressées lors de rencontres publiques, en présence de professionnels de l’art, de la culture et des médias, comme j’ai accepté le dialogue dans les colonnes de journaux, ou encore avec de nombreux militants. Les débats peuvent être parfois rugueux et, je l’espère, utiles.
J’en tire au moins quelques réflexions…
Entre le silence prudent – trop prudent – et la libre parole exposée – trop exposée – quelle peut être la place d’un véritable dialogue républicain entre artistes et politiques ? N’aurions-nous, modestes saltimbanques, que le choix de nous cacher (l’artiste silencieux, mystérieux, hors du temps et du conflit politique, neutre dans l’adversité pour préserver la pureté de son art et – surtout – de son image) ou celui de l’allégeance (poser sur la photo, adhérer au comité, ajouter son nom à la liste…) ?
Où et comment mener le débat public indispensable entre artistes et politiques sans aussitôt se trouver enrôlé ? Les politiques ont-ils réellement besoin de ce « soutien » des artistes pour consolider leur position électorale ? Est-ce le rôle de l’artiste de contribuer à la vie politique de cette manière, surtout lorsqu’il démontre, au quotidien, combien il est engagé dans l’action citoyenne ? Qui soutient qui, en vérité, dans ce jeu de notoriétés supposées ? Certains journalistes, enfin, ne trouvent-ils pas là un « angle » facile, amalgamant, dans un fourre-tout « people », à la fois des comédiens, des académiciens, des auteurs, des sportifs, des chanteurs, des vedettes de télévision… qu’aucune idée commune sur le monde et sur l’art ne rassemble pourtant ?
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