Iran : Montée de la dictature… et de la contestation

Iran : Montée de la dictature… et de la contestation

 

 

l’Iran s’apprête à élire son nouveau président les 18 et 25 juin. Les autorités qui soutiennent un candidat de l’aide dure du régime redoutent une abstention élevée et une amplification des mouvements de protestations. (*) Par Hamid Enayat, analyste et écrivain iranien basé à Paris dans la Tribune.

Tribune

 

Dans son discours du 6 juin 2021, prononcé à l’occasion du 22e anniversaire de la mort du fondateur de la République Islamique d’Iran Ruhollah Khomeiny, l’actuel Guide Suprême, Ali Khamenei a considéré que l’abstention aux élections présidentielles qui se tiendront les 18 et 25 juin est un « grand pêché », équivalent au pêché de meurtre en Islam. Dans sa deuxième fatwa, il a même interdit le vote blanc. L’Ayatollah Ahmad Alam al-Hoda, un grand ayatollah proche à Ali Khamenei, a également affirmé que quiconque s’abstient au vote n’est pas musulman.

Ces fatwas sont une réponse au boycott national imminent des élections par le peuple iranien. En disqualifiant des personnes telles que le président du Parlement, qui a fait trois mandats, un homme de confiance, Khamenei a montré qu’il souhaitait que le peuple ne vote que pour son candidat préféré à la présidence, Ebrahim Raïssi. Certaines factions du régime avaient également appelé à ne pas voter.

Khamenei s’est toujours servi des élections comme outil de maintien de l’équilibre entre les factions de son régime. Cette élection est d’une haute importance pour lui, vu qu’elle survient après deux soulèvements, en 2017 puis en 2019, ce dernier ayant été réprimé par des tirs sur une foule de plus de 1.500 jeunes manifestants. Khamenei est conscient qu’un nouveau soulèvement est imminent.

Cette crainte est fondée, en raison principalement des conditions socioéconomiques du pays. En effet, l’économie s’est effondrée, et malgré les richesses du pays en pétrole, en gaz et en minerais, environ six millions d’enfants sont obliger de travailler. Les chiffres issus du centre de recherches du parlement indiquent qu’avant la pandémie, 60% des Iraniens étaient sous le seuil de pauvreté. Les médias pro-régime annoncent que désormais 80% de la population se situeraient entre les seuils de la pauvreté absolue et de la survie.

Cet appauvrissement a fait disparaitre la classe moyenne, devenue désormais une part des classes modestes. Les sociologues iraniens estiment que ces classes cherchent toujours à revenir au statu quo, ce qui justifierait un nouveau soulèvement.

Pour le régime, cet effondrement économique s’explique par les sanctions étrangères, et non par la colossale corruption institutionnalisée. Les candidats à la succession du président Hassan Rohani, ont pourtant expliqué durant les trois débats télévisés que la corruption institutionnalisée est la cause de la pauvreté sans précédent en Iran. Selon une étude de Reuters en 2005, la fortune du Guide Suprême s’élevait à 95 milliards de dollars. Rappelons que tous les candidats qui ont été confirmés ont occupé durant des années des fonctions de premier plan au sein du régime.

 

Ignorant ces données factuelles, Khamenei a choisi la politique de répression pour maintenir son règne. Il a ainsi disqualifié tous les candidats qui lui ont servi de pions face à l’Occident pour manifester des preuves de démocratie. Celle-ci n’est qu’un mirage en Iran.

Cette politique de repli sur soi a dévoilé la bipolarité de la société iranienne. Un sondage indique que 4% de la population possède tout, en ayant volé la souveraineté du peuple et violé les droits fondamentaux. 96% de la population est privée de tout.

La tragédie du pays, considère l’un des commandants de Basij (militants affiliés aux Gardiens de la Révolution), c’est lorsque les Iraniens expriment leur colère en s’abstenant de voter. Car c’est à ce moment-là, selon ce commandant, que les ennemis du régime viendront combler cette faille. Appelant à la séparation de la religion et de l’Etat et à la liberté, ils sont désormais organisés en unités de résistance auxquels les autorités n’hésitent plus à faire allusion. C’est comme si le pays était occupé par un ennemi étranger, raison pour laquelle les Iraniens croient à l’ouverture d’une nouvelle ère.

Si l’arrivée d’Ebrahim Raïssi à la présidence laisse présager une ère de répression accrue dans le pays et de terrorisme à l’étranger, elle annonce aussi l’éventuel fin d’un régime qui a imposé 40 ans de coercition religieuse et de politiques liberticides dans le pays, et le terrorisme et l’islamisme dans la région.

Hamid Enayat (*)

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