Foot : une crise financière structurelle
La pandémie de Covid-19 a mis fin à une période de croissance des revenus des clubs. Les questions du partage des recettes et de la gouvernance de ce secteur se posent dans des termes nouveaux, soulignent, dans une tribune au « Monde », Franck Bancel et Henri Philippe, spécialistes de la finance dans le sport.
Dans la décennie qui a précédé cette crise, le football a connu une croissance très importante de ses revenus. Dans les cinq grands championnats européens, les droits audiovisuels ont augmenté au gré des appels d’offres et représentent aujourd’hui la plus grande partie des recettes. Les autres revenus, comme le sponsoring et la billetterie, se sont également accrus, mais de manière moins importante et ont surtout bénéficié aux grands clubs européens.
Le premier paradoxe est que cette croissance des revenus ne s’est pas traduite par un accroissement significatif des performances financières des clubs de football. La raison tient notamment à la nécessité, pour eux, de gérer en priorité le risque sportif. Bénéficier de la croissance future des revenus suppose en effet de rester compétitif pour ne pas descendre en division inférieure. Cela nécessite de recruter les meilleurs joueurs (qui sont, par définition, des actifs rares) et d’assumer des frais de transferts et des salaires plus élevés. Au moins à court terme, les recettes nouvelles ne permettent pas de compenser les charges.
Dans cette « course à l’armement » qui dure depuis deux décennies, les joueurs et les agents ont capturé l’essentiel de la rente sectorielle. Dans ce contexte, certains clubs ont su tirer leur épingle du jeu en réalisant d’importantes plus-values de cession. Mais ces plus-values dépendent des performances sportives du club et sont également liées à la capacité des équipes les plus riches à acheter des joueurs. Or, du fait de la crise du Covid-19, ces clubs risquent de ne plus être acheteurs ou de se concentrer sur les jeunes joueurs les plus talentueux.
Structurellement, les clubs de football ne génèrent pas ou peu de cash-flows et leurs fonds propres sont limités. Au mieux, comme cela était le cas avant la pandémie, les équipes les mieux gérées ne font pas (ou peu) de pertes. Cela n’exclut pas la possibilité de créer de la valeur pour les investisseurs, mais cela suppose alors que les revenus du secteur soient croissants. Si les recettes des clubs progressent, un investisseur peut penser qu’à terme, une part de cette croissance lui reviendra ou qu’il sera en mesure de bénéficier d’une plus grande médiatisation du football, même si l’essentiel de la valeur est capté par les joueurs.
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