Les libertés académiques menacées par la Chine
Les exemples se multiplient de pressions du régime chinois exercées contre des universitaires travaillant sur la Chine ou des publications spécialisées. Cette offensive contre les libertés académiques ne doit pas rester sans réponse, estime, dans une tribune au « Monde », le chercheur et ancien diplomate Pierre Buhler.
Tribune.
Deux chercheurs et le principal centre de recherche allemand sur la Chine – le Mercator Institute for China Studies (Merics) – sanctionnés par Pékin, un chercheur français insulté sur le compte Twitter de l’ambassade de Chine à Paris, l’ambassadeur convoqué au Quai d’Orsay… Ces agissements emblématiques de la conception chinoise des libertés académiques ont mis en lumière, ce printemps, une politique inquiétante de Pékin, qui constitue une menace grave pour l’enseignement supérieur et la recherche dans les pays démocratiques. Et celle-ci porte l’empreinte du secrétaire général du Parti communiste chinois (PCC), Xi Jinping.
Le peu de cas fait, par ce parti, des libertés académiques a été illustré, fin 2019, par une action de protestation des étudiants de la prestigieuse université Fudan de Shanghaï contre l’abolition, dans la charte de l’établissement, des références à l’« indépendance académique et [à] la liberté de penser », remplacées par la « pensée de Xi Jinping sur le socialisme à la chinoise dans la nouvelle ère » et un postulat d’adhésion au rôle dirigeant du PCC. D’autres universités ont subi le même sort, mais même s’il ne s’agit guère, au regard de l’expérience maoïste, d’une orientation nouvelle, l’existence de cette chape de plomb doit interpeller tous les établissements d’enseignement supérieur, de France et d’ailleurs, qui ont noué des partenariats en Chine ou y ont ouvert des campus.
Instruments de pression
Plus préoccupante encore est l’offensive engagée par Pékin contre des libertés académiques lorsqu’elles contrarient ses desseins ou lorsqu’il s’agit de promouvoir le « récit » chinois élaboré par le département de propagande du PCC. Un véhicule de cette offensive est le réseau des Instituts Confucius, présentés comme des centres culturels, instruments d’un « soft power » bénin. Ils sont quelque cinq cents à opérer dans le monde, le plus souvent intégrés dans des universités. Mais loin de se contenter de « faire connaître la langue et la culture chinoises », ils se sont livrés à des manœuvres d’entrisme, cherchant à s’insinuer dans les programmes d’enseignement et de recherche de l’université hôte. L’Institut Confucius ouvert au sein de l’université de Lyon a ainsi été fermé en 2013 et les universités libres de Bruxelles (ULB et VUB) ont fait de même en 2019. Les universités américaines ont pris les devants, puisque pas moins de quatre-vingt-quatre instituts ont déjà connu ce sort.
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