L’âge de l’univers
« L’Age de l’Univers », de Marc Lachièze-Rey : la chronique « philosophie » de Roger-Pol Droit (Le Monde)
Chronique
L’univers, dit-on aujourd’hui, est vieux d’environ 13 milliards d’années. Exactement 13,7 milliards, va-t-on ajouter, pour se montrer précis. Or cette précision est illusoire. Pire, ou mieux : la connaissance ainsi affichée a tout d’un trompe-l’œil, ou même d’un piège. Elle porte en effet à croire, fort naïvement, que l’âge du monde possède une signification toute simple. Nous nous imaginons qu’il y eut un point de départ, une émergence, une apparition, puis une succession d’instants, mesurable, uniforme et constante. Bref, « un jour » commença le cosmos et, depuis, le temps a passé… jusqu’à aujourd’hui.
Tout cela est faux. Pas un seul de ces termes ne tient. Parce qu’il n’y eut jamais d’horloge, déclenchée au « temps zéro » et qui serait encore en état de marche. Parce que l’existence même du temps est dépendante de l’observateur et de sa place, comme Einstein et la théorie de la relativité l’ont établi. Parce que cet âge supposé résulte d’une série d’hypothèses, et des calculs qu’elles permettent, mais en aucun cas d’une observation ni d’une certitude quelconques. Voilà ce qu’explique l’astrophysicien Marc Lachièze-Rey dans L’Age de l’Univers. Principal mérite de cet essai : démonter nos mirages candides, les remplacer par des perplexités savantes.
En 4004 avant Jésus-Christ, le 23 octobre, à 9 heures du soir
Spécialiste de la cosmologie, de son histoire, de ses relations aux concepts philosophiques, ce directeur de recherche émérite au CNRS rappelle d’abord, dans ce nouveau titre, combien la question même de l’âge de l’Univers est récente. Les Anciens se souciaient des mouvements des astres, mais jamais de leur date de naissance. Pareille interrogation était totalement exclue, puisque le cosmos, chez les Grecs, était le plus souvent considéré comme éternel et incréé. Il faut attendre 1650, et l’archevêque anglican James Ussher, pour que l’état civil enregistre la date de naissance du cosmos : selon l’honorable prélat, qui a scruté la Bible et ses générations successives, c’est en 4004 avant Jésus-Christ, le 23 octobre, à 9 heures du soir, que le monde apparut.
La saga scientifique moderne commence à peine plus tard, avec les Principia de Newton, en 1687, puis les calculs des paléontologues du XIXe siècle et, surtout, le changement de paradigme de la relativité, qui a conduit aux théories du Big Bang. Marc Lachièze-Rey retrace, en termes simples, le cheminement de ces révolutions mentales, en insistant notamment sur le rôle du chanoine-astronome Georges Lemaître (1894-1966), l’un des artisans décisifs du scénario de l’expansion de l’Univers et de sa datation.
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