L’hydrogène a besoin du nucléaire
Ce que justifie Gérard Longuet sénateur LR de la Meuse, ancien ministre , vice-président de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques dans l’Opinion.
L’Europe vise les dix millions de tonnes d’hydrogène renouvelable d’ici à 2030. Quelle serait la quantité d’électricité nécessaire à mobiliser pour atteindre cette production ?
L’hydrogène n’est pas une source, c’est un vecteur d’énergie qui demande beaucoup d’électricité pour être produit. Afin de fabriquer 10 millions de tonnes donc, 550 TWh sont nécessaires (on a besoin en moyenne de 55 kWh par kg d’hydrogène). Et l’Union européenne a déclaré que l’intégralité de cette production serait d’origine renouvelable, tandis qu’elle est actuellement, en France, à 95 % d’origine fossile. L’objectif visé pourrait ainsi représenter 150 000 éoliennes terrestres, ou 800 000 hectares de panneaux solaires, dans des ordres de grandeurs approximatifs… Des chiffres aberrants.
Est-ce réaliste ?
Non, appelons un chat un chat, l’Union européenne doit se montrer plus ouverte sur la question nucléaire. Elle doit également prendre en compte la solution de captage de CO2 de l’hydrogène produit par reformage du méthane, qui est une autre façon d’isoler la molécule sans émissions de gaz à effet de serre.
Mais l’Allemagne défend cette position 100 % renouvelable, arguments à l’appui…
Les Allemands disent très clairement que cette énergie sera importée. Un projet « Desertec » de photovoltaïques dans le Sahara est en réflexion. A condition, cependant, que les pays propriétaires de ce territoire l’acceptent, qu’ils en sécurisent le fonctionnement et en garantissent un certain équilibre économique pour amortir les investissements. J’ajoute que, lorsque l’on transforme une énergie en vecteur de stockage que l’on transporte, on perd entre 20 et 50 % de l’énergie d’origine. Donc je pense que l’Europe raconte des histoires quand elle nous dit que l’on peut produire dix millions de tonnes d’hydrogène renouvelable.
Où se situe la France sur cette question ?
Nous sommes dans une position intermédiaire car nous pouvons produire de l’hydrogène nucléaire. Or, la Programmation pluriannuelle de l’énergie ambitionne d’abaisser la part du nucléaire dans le mix énergétique français à 50 % d’ici à 2030. Il faudrait donc, je pense, ajouter à ce mix dédié à notre consommation, une production consacrée à l’hydrogène ayant une part nucléaire à repenser.
« Le renouvelable a sa place. Mais à cela doit s’ajouter davantage de nucléaire, sous des formes différentes, comme les technologies SMR, c’est-à-dire de petits réacteurs modulaires »
Est-ce que cela demanderait de construire de nouveaux réacteurs ?
Oui. En sachant que les territoires qui en sont dépourvus ne veulent pas en accueillir, comme la Bretagne. Il y a plusieurs zones en France qui se trouvent en fragilité électrique à cause d’une production insuffisante et d’une densité de réseaux trop forte à certains endroits. Impossible de faire de l’hydrogène dans ces conditions.
Sommes-nous face à un dilemme insoluble, entre un besoin d’hydrogène décarboné (idéal pour la mobilité lourde) et une capacité électrique insuffisante pour le produire ?
Non, c’est à mon avis totalement soluble. Le renouvelable a sa place, on peut augmenter les éoliennes dans les zones à faible densité de population jusqu’au moment où cela ne sera plus acceptable. Mais à cela doit s’ajouter davantage de nucléaire, sous des formes différentes, comme les technologies SMR, c’est-à-dire de petits réacteurs modulaires fabriqués à la chaîne pour le dire rapidement. Ces installations ont des plus petites puissances et sont, par conséquent, plus sûres.
N’est-il pas envisageable, par ailleurs, que notre consommation électrique gagne en efficience ou tende vers une certaine sobriété, pour équilibrer le mix et compenser l’arrivée de l’hydrogène ?
Je ne le crois pas. Il y a une demande d’électricité croissante pour toute la société numérique. Certes, ce secteur permet d’optimiser tel ou tel système, en le rendant plus sobre et plus intelligent, mais cela reste une source importante de consommation. Regardez l’augmentation des data centers. Il faut également prendre en compte le chauffage, avec la multiplication des pompes à chaleur ainsi que le développement de la mobilité électrique. Je ne vois pas pourquoi, ni comment, cette demande devrait baisser. Et le discours sur l’hydrogène est incohérent de ce point de vue là. Cela demande de réfléchir sur le long terme à notre manière de transformer l’industrie. Pour ma part, je préfère la décarboner avec la science, qu’avec la décroissance. L’homme a toujours choisi l’innovation.
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