Bruno Le Maire se convertit à la RSE
A son tour, Bruno Lemaire le ministre de l’économie semble se convertir à la RSE dans une interview à la Tribune. Une conversion tardive mais bienvenue quand même … si elle est réelle!
Interview
Nous célébrons ce 22 mai les deux ans de la loi Pacte, le Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises que vous avez porté, et qui a créé notamment le statut d’entreprise à mission. Avez-vous le sentiment d’avoir eu, avec cette loi, une idée qui vient à son heure, alors que les dirigeants n’ont que le mot RSE en tête en sortie de crise Covid ?
C’est une idée venue un peu avant l’heure et qui a été confirmée par la pandémie. A la sortie de cette crise, tous nos compatriotes aspirent à un nouveau capitalisme, qui ait du sens, qui lutte contre les inégalités et ne se fasse pas au détriment de la planète. C’était les objectifs de la loi Pacte. Le bilan est positif : 166 sociétés à mission ont été créées. Avec Jean-Dominique Senard et Nicole Notat, auteurs du rapport « l’entreprise et l’intérêt général », nous avons eu l’intuition que le capitalisme devait changer d’orientation. Le profit pour le profit, les gens n’en veulent plus. La création de richesse au détriment de la planète est une impasse. Il faut inventer un autre capitalisme, qui n’épuise pas les ressources et garantisse l’égalité.
Comment parler de RSE, alors qu’à la sortie de la crise, pour beaucoup de salariés, cela risque surtout d’être le temps des PSE ?
Il faut penser les choses autrement. Les salariés ne sont pas des adversaires de l’entreprise, ils apportent leurs propositions. Réduire les écarts de rémunération entre les salariés et les dirigeants, c’est créer de la cohésion et avoir une entreprise beaucoup plus performante, avec des salariés beaucoup plus engagés. Intéresser davantage les salariés aux résultats, c’est bon pour l’entreprise. Permettre aux salariés d’avoir plus d’importance dans les conseils d’administration, c’est bon pour l’entreprise.
Défendre l’égalité femmes/hommes, va améliorer la performance et la créativité des entreprises. Je soutiens la proposition de loi de la députée Marie-Pierre Rixain visant à avoir 30% de femmes dans les instances dirigeantes en 2027 et 40% en 2030. Il n’y aura pas d’opposition entre protection de l’environnement et réussite économique.
Ce capitalisme responsable ne peut pas être celui d’un seul pays. Est-ce à l’Europe d’en définir les règles ?
Durant la crise, l’Europe a été le seul continent qui a totalement protégé ses entreprises et ses salariés. Ce modèle de capitalisme qui respecte la personne humaine, les compétences, mais aussi le capital, qui a été accumulé à force de travail et qu’on n’a pas voulu voir disparaitre à cause de la crise du Covid est déjà un modèle européen. Il faut le traduire en normes. L’Europe est capable d’en imposer. C’est le cas avec la taxonomie verte, qui consiste à dire, voilà les investissements qu’il ne faut plus faire et ceux qu’il faut inciter.
Ce capitalisme risque de se heurter à la compétition mondiale si les grands fonds anglo-saxons nous imposent leurs règles et qu’elles ne sont pas aussi responsables que celles que nous voulons.
Il faut que nous arrivions à imposer nos propres règles. Arrêtons de sous-estimer ce que nous représentons. Nous sommes le continent le plus riche de la planète. Il ne faut pas que l’Europe ait peur de son ombre. Elle doit être capable d’imposer ses règles du jeu. John Kerry, l’envoyé spécial de Joe Biden pour le climat est venu en France et nous lui avons proposé de définir une taxonomie commune.
Il faudrait déjà se mettre d’accord sur cette taxonomie en Europe.
Il y a un point de divergence sur le nucléaire. Mais je suis convaincu que la raison va l’emporter. Que chacun va comprendre que le nucléaire est une énergie qui n’émet pas de CO2, qui est disponible de manière constante, que la France maitrise et qu’elle doit être comptabilisée comme une énergie propre. Mettons nous d’accord en Europe et ne fermons pas la porte à une taxonomie commune avec les Américains, qui sont nos alliés.
La finance cherche à sortir du charbon, sous la pression des activistes et des actionnaires. Mais beaucoup l’accuse de green washing et de ne pas aller assez loin ?
La bonne finance, verte, va chasser la finance grise. C’est déjà le cas, sous la pression des ONG, qui jouent un rôle important en nous critiquant et nous mettant sous tension pour nous faire progresser. Après, c’est à nous qui gouvernons d’arbitrer entre ce qui est possible ou pas. Concernant les actionnaires, si je devais choisir entre un fonds d’investissement qui mise sur la création de nouvelles centrales à charbon et un autre qui investit dans l’hydrogène, je choisirai plutôt le second. Une banque qui continuera à financer des usines à charbon, une entreprise qui ne ferait pas évoluer ses modes de production, pour être plus vertueuse, sont condamnées,… parce que les consommateurs, les clients ne voudront plus de leurs produits.
Que pensez-vous du terme « Big Reset », la « grande réinitialisation » du capitalisme, inventé par les fondateurs du forum de Davos ?
Plutôt que cet anglicisme, je préfère parler d’une réinvention du modèle économique, aussi importante que la révolution industrielle. Au XIXème siècle, les machines exploitaient la planète pour générer du profit. Cela a bien fonctionné durant un siècle. La nouvelle révolution industrielle du XXIème siècle est environnementale. Elle consiste à utiliser au mieux les ressources de la planète en les préservant, pour garantir notre bien commun. C’est un défi qui demande de nous réinventer totalement et la France a toutes les cartes pour jouer son rôle.
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