Endettement des entreprises

Endettement des entreprises

 

Vincent Reynier préside la Compagnie régionale des commissaires aux comptes de Paris, Paul-Louis Netter le tribunal de commerce de Paris. Ces deux experts sont en première ligne pour prendre le pouls des entreprises. (Interview dans l’Opinion)

Comment se porte le tissu économique francilien à l’heure de la réouverture des terrasses, des commerces ou des lieux de culture ?

Vincent Reynier : Comme l’ensemble des entreprises françaises, les entreprises franciliennes ont bénéficié de la protection publique au travers des prêts garantis par l’Etat (PGE), du report de charges fiscalo-sociales ou du fonds de solidarité. Nous avons beaucoup de demandes d’accompagnement pour l’obtention d’aides mais, très franchement, je ne vois pas de crise arriver. Surtout alors que nous entrons en période de campagne électorale. Je vois mal le gouvernement arrêter brutalement un accompagnement qu’il a lui-même lancé avec succès.

Paul-Louis Netter : Les cassandres annonçaient une bérézina en septembre 2020, puis en janvier, puis à Pâques… Pour l’instant, je ne vois pas grand-chose venir non plus et je ne suis pas certain que ça arrivera. Les procédures collectives – redressements et liquidations judiciaires – ont diminué de 27 % l’année dernière. La tendance est la même depuis le début de l’année (- 13 % entre janvier à avril, par rapport à la même période en 2020). Ces chiffres traduisent l’efficacité des aides mises en place. Je ne pense pas que les pouvoirs publics, après avoir fourni tant d’efforts pour accompagner l’économie, les retirent brutalement lors de la phase délicate de « l’atterrissage ».

La baisse des procédures n’est-elle pas surtout due au fait que les Urssaf ont levé le pied sur les procédures de recouvrement ?

P.-L. N. : Les caisses de retraite, l’Urssaf et l’administration fiscale sont en effet les trois principaux pourvoyeurs de procédures. L’absence d’assignations en 2020 et 2021, sur instruction des pouvoirs publics, est un élément d’explication important de cette baisse.

La dette nette des entreprises a franchi pour la première fois les 1 000 milliards d’euros l’année dernière. Ce mur de la dette est-il inquiétant ?

V. R. : Le remboursement des prêts va se faire très progressivement, néanmoins les aides vont se tarir. Les entreprises qui se portaient mal avant la crise vont connaître des difficultés. D’où la nécessité d’une vision un peu prospective sur ce mur de la dette. Il y a la question des dettes publiques et parapubliques auprès des caisses de retraite, de l’Urssaf ou de l’administration fiscale, mais est aussi en train d’émerger le problème des loyers, notamment dans les grandes villes. Des moratoires ont été accordés, mais on commence à voir des retards conséquents dans les échéances.

P.-L. N. : Nous recevons beaucoup de demandes sur ce point, avec deux types de comportements. D’un côté les propriétaires bailleurs comprennent qu’il faut faire un effort. Cela peut aussi être dans leur intérêt pour ne pas avoir à retrouver de locataire. Beaucoup de vitrines sont vides aujourd’hui à Paris, y compris dans de grandes artères. Et de l’autre, des institutionnels qui réclament leur dû. Il existe une vraie bataille judiciaire en ce moment, certaines entreprises estimant qu’elles n’ont pas à payer, n’ayant pas pu avoir accès à leur local. Il revient aux juges du tribunal judiciaire de se prononcer sur ce point.

«Il ne faut pas hésiter à ouvrir des procédures de conciliation, qui permettent d’avoir quelqu’un qui parle à vos créanciers à votre place. Le tribunal de commerce, ce n’est pas l’échafaud»

Comment les PGE ont-ils été utilisés ?

V. R. : En période de contraction de l’activité, les besoins en fonds de roulement sont réduits. Au final, beaucoup de nos clients n’y ont pas touché et se sont constitué une forme d’épargne de précaution. Pour autant, je ne connais aucune entreprise qui ait remboursé par anticipation quand Bercy a accordé une année supplémentaire pour débuter les remboursements. Quelques-unes ont fait un peu d’investissement productif pour conforter leur activité en vue de la reprise – une reprise à laquelle je crois, personnellement. Si les étoiles s’alignent, beaucoup de défaillances seront évitées.

Comment accompagner au mieux les entreprises dans la période ?

P.-L. N. : Les entreprises arrivent généralement devant le tribunal de commerce quand elles sont à bout de ressources. Or, être à bout de ressources, c’est être à bout de solutions. Si vous êtes incapable de financer quoi que ce soit, on ne pourra rien faire pour vous. Le maître mot en cette période, c’est donc d’anticiper. Que les entreprises viennent nous voir avec des réserves, et nous pourrons trouver des solutions. Je sais que le tribunal fait peur et que, quand on est chef d’entreprise, on est fondamentalement optimiste, on se dit toujours que ça ira mieux demain. Mais il ne faut pas hésiter à ouvrir des procédures de conciliation, qui permettent tout simplement d’avoir quelqu’un qui parle à vos créanciers à votre place. C’est essentiel ! Le tribunal de commerce, ce n’est pas l’échafaud.

V. R. : C’est vrai que les commissaires aux comptes comme les chefs d’entreprise ont la crainte du tribunal. Mais nous travaillons à changer les mentalités, à démystifier ce lieu, même s’il reste un tribunal et pas une amicale. D’une obligation d’alerte, nous devons nous diriger vers la prévention des difficultés. Progressons dans la voie de l’accompagnement et de plus en plus de commissaires aux comptes oseront passer par des procédures à l’amiable. Il ne s’agit pas de nouveau de rendre le commissaire aux comptes obligatoire mais de le rendre incontournable.

L’image du tribunal de commerce s’approche quand même plus de la guillotine que de l’infirmerie…

P.-L. N. : Les chefs d’entreprise ont pourtant tout intérêt à entamer précocement des procédures de conciliation : elles sont plus souples et les taux de succès n’ont rien à voir avec les redressements judiciaires. Plus vous venez tôt, plus vous aurez de chance de résoudre vos difficultés. Le langage de la prévention commence à porter. Il n’est plus réservé aux grandes entreprises, au contraire. Les conciliations ont été multipliées par deux par rapport à 2020. J’y crois beaucoup.

V. R. : C’est malheureusement moins vrai en province où la sauvegarde est quasiment inconnue. C’est dommage ! Dans l’esprit général, c’est réservé aux grandes entreprises. Or ce n’est pas le cas dans les textes. La sauvegarde donne au tribunal des moyens importants pour agir, pour exiger certains reports. Les PGE peuvent d’ailleurs être une solution pour travailler avec les banquiers.

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